Chronique

Rémi Panossian Trio

RP3

Rémi Panossian (p), Maxime Delporte (b), Frédéric Petitprez (dms, perc).

Label / Distribution : Jazz Family

Troisième album pour le trio du pianiste Rémi Panossian, après Add Fiction (2011) et BBang (2013). Une formation qui se présente aussi sous l’appellation RP3, ce qui ne signifie pas pour autant simplification du propos artistique. Au contraire, le concentré d’énergie et le carrousel d’images à caractère cinématographique qui nourrissaient les deux premiers disques sont toujours au rendez-vous, avec cette fois la complicité d’un ensorceleur des sons et du groove qu’on ne présente plus, Eric Legnini. La présence de dernier, qui s’est vu confier la production et le mixage, apparaît presque comme une évidence tant les qualités du trio, dont la virtuosité heureuse est la marque de fabrique, s’accorde parfaitement avec l’énergie que le pianiste belge distille depuis de longues années, pour son propre compte ou pour bon nombre d’artistes. Comme si ces quatre-là devaient finir par se trouver.

Rémi Panossian, Maxime Delporte et Frédéric Petitprez tournent beaucoup depuis cinq ans, dans un grand nombre de pays, et la public adhère très vite à leur imaginaire vivace. Etonnant, quand on connaît le niveau d’exigence des compositions (« Busseola Fusca », un des sommets de ce nouveau disque). Il est assez difficile en effet de résister aux assauts de cette musique virevoltante, marquée par des rythmes complexes, mais jamais démonstrative ; une musique qui sait aussi déposer les armes - pour ne pas dire s’arrêter - le temps de ballades aux accents plus introspectifs.

RP3 est une formule gagnante que ce disque devrait achever d’installer au cœur de la scène jazz. Et si la patte de Legnini est parfois très prégnante (« Happy Culture », « Water Pig », « Radiation Spring »), son influence se fond naturellement dans l’univers mis en scène par le trio, qui n’hésite pas à s’engager parfois sur des chemins aux couleurs hypnotiques (« Brian le raton laveur ») où résonnent les échos lointains et répétitifs d’un autre trio, celui du regretté Esbjörn Svensson.

La présence de très belles pauses (« Jeju-Do », « Waltz For Nowhere », « Cords » et son utilisation caractéristique des cordes du piano, ou encore le poignant « She’s Gone ») n’atténue en rien le frisson vivifiant qui parcourt un disque dont l’énergie est tout autant rock que jazz (« Into The Wine », « Hernie’s Tune ») - elle vient au contraire souligner l’imagination et la grande liberté d’une formation taillée pour la scène et dont la musique se veut populaire, sans jamais renier son langage propre.

Faut-il enfin rappeler que les trois musiciens sont des instrumentistes hors pair, des virtuoses souriants engagés à part égale dans l’écriture d’un scénario qu’ils ont imaginé de toutes pièces ? Publié sur le label Jazz Family, RP3 est une réussite, la troisième en cinq ans pour un trio décidément très attachant qu’on souhaite suivre encore longtemps.