Chronique

Richard Bonnet & Tony Malaby

Haptein

Richard Bonnet (g), Tony Malaby (saxes)

Label / Distribution : Marge

Il serait intéressant d’énumérer les collaborations que mène de front Tony Malaby depuis quelques années. Que ce soit aux Etats-Unis ou en Europe (notamment en France), en effet, il n’hésite pas à répondre aux nombreuses invitations de ses pairs, dans tous les domaines du jazz contemporain et des musiques improvisées. [1] Le plus marquant est que chacune de ces collaborations débouche sur une musique passionnante, preuve qu’il peut jouer dans n’importe quel contexte avec beaucoup d’à-propos et en restant lui-même, et confirmation qu’il s’agit là un musicien majeur.

On n’est donc pas étonné de le retrouver ici en compagnie du guitariste français Richard Bonnet pour une nouvelle aventure. Enregistré en duo à New York, Haptein est constitué de courtes pièces improvisées faisant la part belle au travail sur le son et l’invention d’un duo. Bonnet et Malaby étaient faits pour se rencontrer, telle est la conclusion à laquelle on parvient rapidement à l’écoute de leur travail : même sens du son, de la matière sonore, faculté partagée de créer en quelques instants un univers marquant. L’un comme l’autre fouille le tréfonds de son instrument, amorce une mélodie, un rythme que l’autre s’empresse de reprendre à son compte pour rebondir et pousser plus loin la musique. Entre stridences et fulgurances, celle-ci est étirée, malaxée, aboutissant par instant à des sonorités très proches, qu’elles soient issues du saxophone ou de la guitare. L’ambiance née de cette association est urbaine, souvent sombre. Ces deux-là se lancent sans retenue, sans filet, pour le meilleur, et nous offrent un voyage sonore passionnant. On est convié à parcourir en temps réel ce chemin où le geste est aussi important que le résultat car il se trace au gré des inventions.

Belle rencontre, riche, iconoclaste, réussie, entre deux artistes dont l’amour de la découverte et de l’improvisation aboutit à une musique prenante à laquelle on revient avec plaisir.

par Julien Gros-Burdet // Publié le 21 janvier 2013

[1Rien qu’en 2012, notons le deuxième disque du quintet d’Angelica Sanchez (Wires & Moss), les Sound Architects de Stéphane Kerecki, le disque de Mark Helias enregistré avec son « Open Loose » au Sunset (Explicit) ou encore sur l’Overseas IV d’Eivind Opsvik. En parallèle, il tourne avec Lucian Ban et John Hébert, Gerald Cleaver, John Hollenbeck, sans parler de ses projets personnels (Tamarindo, Tuba Trio, Paloma Recio, Novela, etc.).