Chronique

Romano, Sclavis, Texier, Le Querrec

African Flashback

Aldo Romano (dms), Louis Sclavis (cl), Henri Texier (b), Guy Le Querrec (Leica)

Label / Distribution : Label Bleu

Vous aimez qu’on vous raconte des histoires ?
Vous aimez qu’on vous raconte des souvenirs ?
Alors écoutez ce qu’Aldo Romano, Louis Sclavis et Henri Texier vous racontent.
Des histoires sans paroles.
Des histoires en musiques et images.

Et quelles images ! Celles de Guy Le Querrec, vieux compagnon de route de Texier, qui a emmené plus d’une fois ce trio sur le continent africain. Ce qui a donné lieu à deux magnifiques albums : Carnet de Route en 1995 et Suite Africaine en 1999.

Cette fois-ci, pas de voyage. Ou plutôt un voyage… différent. On a demandé à Le Querrec d’aller remuer les milliers de clichés inédits qu’il avait ramenés d’Afrique et d’en proposer quatre à chacun des musiciens pour qu’ils « racontent » l’image. Le résultat est un délice.

Le disque est donc accompagné d’un livret - à moins que ce ne soit l’inverse - d’une centaine de pages (dans son édition limitée) superbement imprimées. Un livret découpé en treize séquences, treize thèmes racontant l’Afrique sous ses différents aspects. (Je sais, trois fois quatre font douze. La treizième image était pour le trio…)

Le voyage peut commencer.

La musique est profonde, vivante, chaleureuse. Dès les premières notes de « Berbère », on se sent accueilli, on est invité à la fête. Le thème est lumineux. Presque joyeux. Mais la composition de Sclavis - « Derrière le sable »- rappelle à une réalité plus dure. Le tempo est plus « mécanique », plus oppressant. La clarinette plus grave encore.

Et on alterne ainsi au gré du voyage entre nonchalance (« Harvest » ou « Le long du temps »), enjouement (« Fô lion »), ou frénésie ( « African Panther 69 »).
Car le voyage n’est pas de tout repos. Avec les photos et la musique, ce trio ( quartet ? ) nous ouvre les yeux sur ce continent si riche… et si pauvre. N’hésitant pas à égratigner tous les pouvois politiques avec le très acerbe « Surreal politik » qui oscille entre pamphlet musical et rage free jazz…

Avec « 55 wheels » et ses accents déstructurés, c’est un regard « à la Chaplin » - période Temps modernes - que le trio pose sur le travail. La clarinette de Sclavis trouve son chemin comme pour s’échapper, alors que la contrebasse bat comme un coeur qui s’emballe, tandis que Romano fait gronder sa batterie.

Romano se fera plus tendre et plus doux avec sa merveilleuse « Visio di Donna » où il y joue de la guitare. Superbement bien. (On annonce d’ailleurs un disque de chansons. De vraies chansons. Des chansons où il chante !) Sclavis se fait lyrique et Texier est touchant de délicatesse…

Et l’histoire se termine sur un constat un peu amer, mélancolique… : « Dieu n’existe pas ».

Une seule envie, c’est d’y retourner. De replonger dans les images, dans la musique..

Grand disque, grandes images, grands hommes.