Chronique

Roscoe Mitchell

Numbers

R. Mitchell (comp, as), T. Buckner (voc), J. Kubera (p), S. Rush (p), J. Wildman (p), N. Bultman (viola), Y. Manoogian (vln), H. Sturm (b), W. Winant (bells, vib)

Label / Distribution : Rogue Art

L’arithmétique est depuis longtemps associée à la musique, l’acoustique est une partie de la physique, et les liens entre la construction musicale et les nombres sont récurrents, ne serait-ce qu’au travers de la définition que Leibniz donnait de l’art musical « où l’esprit compte sans savoir qu’il compte ». Kierkegaard répliquait que cela ne rendait pas compte de la « chair » de la musique (de son effet sur les corps), tout en admettant que le philosophe de la monade avait bien identifié la structure formelle du champ artistique qui met les sons en résonance.
On n’est pas loin des préoccupations de Roscoe Mitchell dans Numbers.

Ce disque témoigne manifestement des travaux du saxophoniste de l’Art Ensemble dans le champ de la musique de chambre. Solos de piano, duo piano/voix, piano/violon, piano/violoncelle et autres formes codées de la musique classique contemporaine sont ici au rendez-vous. Avec les trois pièces vocales sur des poèmes d’e.e. cummings on est même proche du lied. Quant aux trois morceaux de cloches dédiés à la Nouvelle-Orléans et à la catastrophe climatique qui l’a ravagée, ils nous rappellent quand même la présence de cet instrument dans la vaste panoplie que les musiciens de l’Art Ensemble mettaient en œuvre au temps de leur splendeur.

Le saxophoniste ne se fait entendre comme instrumentiste que sur une plage, très belle (« WR/C 2A opus 1 »), en duo avec William Winant au vibraphone. On conseillera ce disque à tous ceux qui suivent le travail de Roscoe Mitchell, mais aussi à ceux que les rapports entre le « jazz » et la « Chamber Music » ne laissent pas indifférents.