Chronique

Rosen / Levallet / Robert

Silhouette

Noah Rosen (p), Didier Levallet (b), Yves Robert (tb)

Label / Distribution : Sans Bruit

Une fois encore, le label Sans Bruit nous offre un moment de musique qui est aussi un moment de plaisir.
Avec Silhouette, il est question d’une rencontre entre trois personnalités qui coexistent sans rien renier de leurs caractéristiques. Trois masses sonores s’affrontent, se confrontent, s’apprivoisent. Rencontre tellurique sur « Chiaroscuro », la musique évolue au fil des morceaux comme si l’intimité se renforçait entre les musiciens. Les lignes se superposent et se croisent, chacune semblant évoluer indépendamment des autres, mais leur association engendre un tout cohérent. De ce maelström musical où jaillissent des lignes d’une grande précision, chaque voix s’élève puis retombe, nourrissant tantôt un flux sonore dense, tantôt des lignes mélodiques brisées.

On sent ici une énergie contenue susceptible d’exploser à tout instant, ainsi qu’une indéniable liberté. Sur l’introduction « Inner Form » - tout en un classicisme teinté de mystère - vient se poser le magnifique et rugissant trombone d’Yves Robert. Noah Rosen rappelle Cecil Taylor par la vivacité de son jeu, les avalanches de notes et de clusters, la maîtrise, l’inspiration de chaque instant. La place de Didier Levallet est peut-être la plus discrète, mais une écoute approfondie révèle que sa contrebasse est la mère nourricière du trio, le lieu où la musique vient se ressourcer et retrouver une certaine douceur.

Enregistré lors d’un concert en Belgique, Silhouette - cette œuvre dense, tendue, où l’improvisation est reine, où à tout moment peut naître une éruption ou se dessiner un horizon nouveau, cette leçon salvatrice de plaisir collectif, est de ces rencontres qui revigorent et s’affirment, à la longue, comme une source régénératrice indispensable.