Chronique

Roy Nathanson

The Nearness and You

Roy Nathanson (as, ss, bs, p, voc), Marc Ribot (g), Curtis Fowlkes (tb, voc), Arturo O’Farril (p), Lucy Hollier (tb), Anthony Coleman (p), Myra Melford (p)

Label / Distribution : Clean Feed

En septembre dernier, à Rouen. Roy Nathanson était seul. Il racontait des histoires, des souvenirs, des standards qu’affectionnait son père. Il chantait avec faconde, en plus de cette délicieuse manière d’être aux franges de la justesse qui a bâti sa réputation. « The Nearness of You » était au cœur de ses préoccupations et de ses anches. Un peu comme ce concert au Stone, deux mois avant, que nous rapporte le label Clean Feed. Mais à New York, Nathanson était accompagné pour évoquer la chanson de Carmichael enregistrée - entre autres - par Ella Fitzgerald avec Louis Armstrong. Avec lui, dans une série de duos comme autant de visites amicales, une revue de ses trente dernières années : Marc Ribot, Anthony Coleman… Et même son vieux partenaire des Jazz Messengers, Curtis Fowlkes. The Nearness AND You

Avec le tromboniste, il propose « Indian Club », discussion complice à l’alto autour d’un ostinato obsessionnel, mais surtout « The Nearness of Ewes » et « The Nearness of Youse », variations douces-amères où se croisent deux saxophones embouchés conjointement (alto et soprano, configuration familière) et coulisse volubile, mais aussi Roy au piano et Fowlkes à la voix. Trois véritables déclarations d’amitié, si ce n’est d’amour. On aura la sensation similaire avec Anthony Coleman, avec qui il entame « What’s Left » en libre improvisation. Un morceau long, tortueux, où la stridence du soprano joue à fleuret moucheté avec les cordes étouffées du piano. Elles le relient directement à Ribot avec qui il défriche « An Other’s Landscape », territoire escarpé, d’apparence hostile mais toujours chaleureux.

L’amour est le sentiment qui prédomine un peu partout, notamment avec Myra Melford. Chaque improvisation, si elle n’a rien à voir avec le standard central, rattache à la question de la proximité, de la familiarité… Tout ce qui peut transformer la promiscuité en instant charnel. « What ? Shoes ? » et sa pointe d’humour décalé au baryton en est un parfait exemple. C’est « The Nearness of You Too », avec Melford, qui livre la plus belle interprétation du standard en guise de conclusion. D’abord parce que le saxophoniste s’y fait le plus doux, plein de scories, mais aussi car Melford souligne, main droite, un blues traînant, puis dans les basses quelques complexités qui donnent du relief au chant de son hôte qui déclare sa flamme pour le jazz avec une élégance qui n’est naturelle que pour peu de musiciens. Celui-ci en fait partie.