Chronique

Slobber Pup

Pole Axe

Joe Morris (g), Jamie Saft (cla), Mats Gustafsson (ts), Balázs Pándi (dms)

Label / Distribution : RareNoise Records

Après un premier album où le bassiste Trevor Dunn sévissait aux côtés de ces vieux briscards de la musique impétueuse et sans limites que sont Joe Morris à la guitare et Jamie Saft aux claviers, Slobber Pup revient sur le label Rare Noise Records pour un second round, intitulé Pole Axe. Le quartet a changé : on y trouve encore le batteur hongrois Balázs Pándi, qui navigue depuis des années entre métal, noise et free, notamment avec Mats Gustafsson dans un trio avec l’âme de Sonic Youth, Thurston Moore. Le saxophoniste suédois remplace d’ailleurs Dunn dans ce nouvel album, comme pour ajouter un cri qui ne retirerait rien à cette violence sourde, appuyée avec une jouissive sévérité par le batteur.

Rare Noise Records, qui héberge également le groupe Plymouth de Morris et Halvorson n’a jamais aussi bien porté son nom. Quoique la rareté ici ne soit pas de mise. Partout dans les trois plages de Pole Axe, les bruits ruissellent, se répandent, s’entrechoquent, se défient. L’auteur du remarqué Torturing the Saxophone plonge tête la première dans un brouet d’électricité bouillonnante et hostile. Le résultat est immédiat, autant qu’il était prévisible  : dans la longue pièce « Pole of Combustible Memory », de près d’une demi-heure, le ténor déchire la masse épaisse de l’orchestre de stridences profondes, comme un naufragé qui se débattrait dans un océan de mercure, jusqu’à perdre pied et se laisser assujettir par une guitare saturée qui gagne en clarté à mesure qu’elle achève de dominer la tempête. Le saxophone réapparaît, par instant, comme on sort de l’eau pour prendre une bouffée d’air, mais c’est pour mieux se laisser submerger.

Il serait faux de penser néanmoins que tout est chaos. On décèle, entre deux coups de boutoir, quelques bulles de silence encadrées de craquements ou de nappes de synthés qui suppurent. Elles n’en demeurent pas moins inquiétantes. Surtout, elles ne sont que le signe avant-coureur d’un nouveau tumulte, qu’il naisse dans les sons vintage des claviers de Saft ou sur le métal corrodé des cymbales de Pándi. Il y a indéniablement une joyeuse excitation à suivre Gustafsson dans son plongeon et à surnager à son tour dans ce tsunami. Advienne que pourra.