Scènes

Soirées Vibrantes à Rouen

Les Vibrants Défricheurs ont organisé à Rouen deux soirées Vibrantes avec Bernard Combi et Michel Massot dans le cadre du Printemps de Rouen


Animateur depuis des années à Rouen et dans la région de concerts et de moments forts mêlant avec bonheur jazz et musiques improvisées comme musique traditionnelle et interventions plastiques, le jeune collectif des Vibrants Défricheurs ont donné deux concerts s’inscrivant dans le festival « Printemps de Rouen ».

Organisé par la Ville, Le Printemps de Rouen (voir le site de la Mairie) laisse pour sa première année une grande place au jazz puisqu’au mois de mai auront lieu plusieurs concert organisés par Jazz à Part (les 22 et 23 mai prochains avec Claude Tchamitchian Solo, un trio Capozzo/Bourdellion/Lelièvre ou encore une rencontre Raymond Boni/Makoto Sato…. Voir Jazz à Part.) Pour les Vibrants Défricheurs, à la suite du festival « L’Oreille en Friche » organisé en 2009, ces soirées Vibrantes étaient l’occasion de montrer la liberté de ton, créative et impertinente, qui a fait la renommée du festival « Mens Alors ! », en Isère, auquel le collectif est associé.

Combi, Berland, Molko © Franpi Barriaux

Dans la chapelle Sainte-Croix des Pelletiers, salle mythique du jazz et des musiques improvisées rouennaise, l’exercice du culte a été supplanté, au milieu des années 70, par d’autres esprits frappeurs. Sous la charpente pouvaient se croiser le Michel Portal Unit et Steve Lacy en solo, et l’atmosphère en est encore emplie. Le parquet encaustiqué de ce lieu magique à l’acoustique exceptionnelle n’avait pas entendu résonner les cuivres depuis des années, malgré plusieurs tentatives pour en retrouver la chaleur et la qualité brute, qui peuvent se passer d’amplification. C’est dans cette salle chargée de mémoire que les Vibrants Défricheurs ont convié le poète et percussionniste limousin Bernard Combi et le tubiste Michel Massot, deux artistes intransigeants et représentatifs de l’identité du collectif : toujours à cheval sur des musiques traditionnelles qui se transmutent en folklores imaginaires au contact de l’improvisation.

Bernard Combi © Franpi Barriaux

Combi (collaborateur du contrebassiste Dominique Bénété au sein du Combi Trio), le premier soir, s’érige personnage central de multiples collaborations avec les solistes des Défricheurs. Les formations se relaient dans l’univers du chanteur, dont la voix imposante, emplit la salle d’un occitan illuminé par la poésie des mots et des rythmes. Chaque musicien y mêle son atmosphère ; le saxophoniste Raphaël Quenehen porte les mots au feu avec virulence, le piano torturé d’Antoine Berland acidifie un poème de Serge Pey… quand ce n’est pas l’accordéon diatonique de Combi qui croise le fer du chromatique de Sébastien Pallis et de son comparse violoniste Fred Jouhannet… La rencontre est belle et en appelle d’autres !

Massot revient à peine du Bénin, où il répétait avec Mäâk’s Spirit (voir notre entretien avec Guillaume Orti), et c’est un miracle volcanique s’il a pu atterrir, comme un tiers des musiciens de Papanosh, le sextet aux reflets balkaniques du collectif, coincés en Israël après un festival. Faute d’avoir pu s’organiser, le Bruxellois n’a avec lui que son tuba ténor, mais la qualité de son solo et son implication physique dans sa musique fait oublier ce manque de munitions. Jouant tantôt de la palette sonore du souffle, tantôt de gracieuses et fragiles mélodies, il emplit le lieu de sa poésie. Quand il rejoint Papanosh en fin de concert, la touche orientale - mâtinée de free nébuleux - de la musique prend de l’épaisseur et donne l’envie, si l’avenir se laisse tenter, de rencontres régulières avec de tels artistes dans cette salle magnifique…

Michel Massot © Franpi Barriaux