Scènes

Stabat Akish au Mandala (Toulouse)

Les concerts de Stabat Akish sont des événements trop rares, sans doute parce que c’est une formation difficile à faire tourner. Ses musiciens, et particulièrement son leader, Maxime Delporte sont très demandés…


Et puis on compte dans ce sextet tonitruant plusieurs claviers, un vibraphone, un marimba, une batterie, une contrebasse, une basse électrique et des saxophones allant du sopranino au monstrueux sax basse, sans oublier la flûte…

Ce groupe nécessite donc un backline imposant et manque un peu d’espace sur la scène du Mandala, aux dimensions par ailleurs tout à fait correctes… contrairement à la salle proprement dite : Le public y est, les soirs de forte affluence, serré comme dans une rame de métro aux heures de pointe et prévoir une heure, sinon une heure et demie d’avance est la seule garantie d’être assis. Pour Stabat Akish, malheureusement (ou heureusement !), la salle, ce soir-là, n’est pas pleine à craquer. De fait, l’ambiance y est fort détendue et l’écoute tout à fait agréable.

Le groupe entame le premier set dans le registre feutré par un inédit, voire un nouveau-né puisqu’il n’a que quelques jours d’existence : « Armez les toboggans ». Mais le feutre, chez Stabat Akish, n’a jamais le moelleux des soupes insipides. Très vite les dissonances s’en mêlent, puis la rage emporte tout dans une véhémence brutale. Ainsi, lors du troisième morceau (« Lolen »), une tranquille ligne de basse, rapidement secondée par les claviers de Rémi Leclerc, est rattrapée par une douce mélopée au vibraphone et au marimba sous les baguettes de Guillaume Amiel. Impression de cocon et de bien-être à l’abri de la nuit et du froid, accentuée par l’ambiance d’avant-Noël. Mais Marc Maffiolo dégaine un sax basse qui, de sa voix venue des tréfonds, double la contrebasse, et on se demande si son pavillon hostile ne va pas nous engloutir tout crus. Les instruments se mettent alors à percuter, sonner, souffler comme autant d’alarmes, et il s’en faut de peu que nous ne suffoquions. Cette inquiétude peut être familière, comme lorsque le sax de Maffiolo, sur la rythmique guillerette d’« Un peuplier un peu plié », se promène tel un malin et invisible moustique qu’on gifle tout autour de soi. Le premier set se conclut non sans discussion sur « Jean-Fève », un inédit au groove impeccable au fil duquel Ferdinand Doumerc mène un très long chorus, plein de réverbération, au sopranino.

Le deuxième set se consacre largement aux différents « Sprouts » qui composent en grande partie le second album de Stabat Akish, un récit librement mené autour de cultures de germes. Ceux qui, comme moi, ont rarement manqué un concert du groupe et connaissent ce disque sur le bout des doigts récitent, sur le chorus de Rémi Leclerc, l’histoire d’un cultivatrice dont les plantations de germes ne prennent pas ; où l’on comprend qu’il s’agit d’une question vitale. Cela se termine, après un solo de Stéphane Gratteau, par « Greed », pièce fantasque où Doumerc troque ses sax et sa flûte pour un micro. Forcément il y a un rappel, et puisqu’on est si bien, un second.

Si on peut parfois penser à l’univers de Fellini (j’ai entendu cette référence dans le public et la partage volontiers), on peut aussi songer au fantastique de Tim Burton. L’univers de Stabat Akish est fait de contraires et de contrastes, et dans l’imaginaire de Maxime Delporte, auteur de toutes les compositions, la frontière entre doux rêve et le cauchemar semble bien floue…