Chronique

Stéphan Oliva/François Raulin

Sept variations sur Lennie Tristano

Stéphan Oliva et François Raulin (p), Laurent Dehors (cl, bcl) Christophe Monniot (as, bs), Marc Ducret (g) Bruno Chevillon, Paul Rogers (cb)

Label / Distribution : Sketch Records

Stéphan Oliva et François Raulin se sont déjà essayé, avec Tristano à célébrer le pianiste aveugle, pourtant très lucide sur le jazz de son époque.
Le pari engagé et tenu par Philippe Ghielmetti est de faire connaître les Variations sur Lennie Tristano telles que les ont rêvées et réalisées les sept mercenaires de la scène actuelle française. On reste admiratif devant le producteur du label Sketch, qui a su fédérer les énergies en un projet aussi enthousiasmant qu’audacieux.

Pour accompagner le duo de pianistes, il a réuni une rythmique déliée, les deux contrebassistes Bruno Chevillon et Paul Rogers, le merveilleux guitariste Marc Ducret, ainsi que les talentueux souffleurs Laurent Dehors (clarinette, clarinette basse et contrebasse) et Christophe Monniot aux saxophones alto et baryton.

La musique de l’auteur du « Requiem » (dédié à Charlie Parker) n’a rien perdu de son originalité. Lennie Tristano a vite intégré les apports de Bird, les a théorisés, puis a assimilé d’autres avant-gardes, devenant à son tour un « passeur », s’illustrant dans le double registre du concert et de l’enseignement. Ses enregistrements en quintet, ou en trio avec Warne Marsh et Lee Konitz, sont incontournables par le phrasé limpide, l’attaque décidée, les capacités de renouvellement. Car Tristano s’est employé à récrire les standards dans une interprétation inconsciente de la partition, laissant agir la part de l’ombre, dans un jeu constant d’altérations.

À leur tour, reprenant avec finesse la leçon du maître, nos deux compères s’inscrivent avec bonheur dans le travail précis et serré des arrangements. Sur ce disque miroir, la conversation s’engage sans perdre de temps dès le flamboyant « Tautology » et nous tient en haleine, nous faisant dériver de valse en mambo, d’un « Gaspation » ébouriffant au final tumultueux de « Victory ».

La musique résonne de cette jubilation, profite du rythme constamment déjoué (d’autant plus surprenant, compte tenu de l’absence de batterie), de la vivacité et de la tendresse que tous savent incorporer, en révélateurs du désir, en alchimistes du plaisir.

Cette traduction enthousiaste, généreuse, sensuelle, fidèle jusque dans la réinterprétation même, est la version française de la musique de jazz : elle sait caresser sans perdre sa force, faire entendre son chant sans tomber dans la romance. Ces variations, jamais austères, rendent de façon exemplaire la complexité d’un esprit libre.

Un vrai « hommage » en… sept lettres capitales.