Scènes

Sweet and Gentle

La première édition du festival Bleu sur Scène s’est déroulée au Théâtre du Châtelet du 25 juin au 3 juillet 2004.


Pour cette première édition du festival Bleu sur Scène, la programmation était bien alléchante : Dino Saluzzi, Ornette Coleman, Joe Lovano, Hank Jones, Paul Motian, Wayne Shorter, Herbie Hancock, Dave Holland, Brian Blade, pour ce qui est des « gros » concerts. Mais il ne fallait pas non plus oublier, en seconde partie de soirée, les pianistes John Taylor et Benoît Delbecq, et les guitaristes Ralph Towner et Marc Ducret. Des artistes de choix, donc, dans un lieu magique : le Théâtre du Châtelet.

Joe Lovano © H. Collon

Mon choix s’est porté sur le concert du 2 juillet : Joe Lovano et Hank Jones. Peut-être parce que Hank Jones est le dernier survivant des trois frères Jones (les autres étant bien sûr le trompettiste et chef d’orchestre Thad Jones et le batteur Elvin Jones, qui nous a quittés récemment). Mais peut-être aussi parce que ce formidable pianiste ne jouit d’une certaine reconnaissance que depuis très peu de temps. À ses côtés, leader du quartet, le saxophoniste ténor Joe Lovano et le très solide sideman et contrebassiste George Mraz. Les baguettes auraient dû être tenues par Paul Motian, mais il a été remplacé sans plus d’explications par un Dennis Mackrel discret et précis (Mraz et Mackrel faisant partie du trio habituel de Hank Jones). Ce concert s’inscrit dans dans la tournée européenne du quartet pour la sortie de son dernier disque chez Blue Note, « I’m All For You ».

Hank Jones © H. Collon

Le concert débute par « I’ll Be Waiting For You », une ballade magnifiquement interprétée. Dès les premières notes, on sait qu’on ne vient pas chercher ici la modernité. Il s’agit plutôt d’apprécier l’écoute d’une musique ancrée dans la tradition du jazz et jouée dans son plus pur style. Et cela, Lovano et Jones savent très bien le faire.

Joe Lovano © H. Collon

Lovano est le leader du quartet, mais Hank Jones en est le musicien d’honneur. « The Summary », pièce écrite par Thad Jones, met en valeur un George Mraz éblouissant de technicité. Son solo très mélodique est un moteur pour le solo suivant de Jones. Vient ensuite « Confirmation ». Hank Jones nous fait partager tout son sens du swing et du blues, met le feu au plancher et pousse le gros son de Lovano à son maximum. Une fois lancé, ce dernier tourne autour du micro comme pour trouver le meilleur « angle de tir ». On a l’impression qu’il converse avec lui. Ce qui est sûr, c’est qu’il établit un dialogue profond et subtil entre lui et le public.

« Stella by Starlight » et « Monk’s Mood » s’enchaînent jusqu’à l’entracte. Cette pause nous permet de faire un peu le point. J’entends, ici et là, quelques déceptions du côté du public : jazz trop tranquille, trop doux. Il est clair que Lovano et Jones ne nous proposent pas un jazz révolutionnaire. Ils ont cependant le mérite d’interpréter magnifiquement de grands standards, et surtout de très belles ballades. Le second set sera à l’image du premier : une douceur qui effleure la peau. « Early Autumn », « Lady Lock », et pour finir une très émouvante interprétation de « Crescent » en hommage à Elvin Jones. Les musiciens sont ravis d’avoir joué dans un si beau théâtre, et le public rassasié de bonne musique interprétée par de très grands musiciens.