Chronique

TBPN

Xavier Camarasa (p), Matthias Mahler (tb)

Label / Distribution : Gigantonium

Musicien le plus étrange de la folle équipée du MilesDavisQuintet !, Xavier Camarasa est un artiste aussi rare qu’étonnant (on se souvient de son disque avec Jean-Marc Foussat). De ceux qui, comme son ami Sylvain Darrifourcq, savent tenir une ligne et n’en point déroger, même quand il s’agit d’aller au-devant des autres. Le pianiste a son approche de l’instrument, sa pratique intégrale du piano préparé qui va chercher les timbres dans chacun des atomes, sur la moindre surface, au contact de n’importe quelle matière. Néanmoins, il ne cherche pas à imposer son univers à son compagnon d’improvisation ; sa rencontre avec le tromboniste Matthias Mahler, lui aussi grand curieux devant l’éternel, n’y déroge pas. Témoin « Partie 2 Déconstructions Simultanées », où les cordes, soudainement délestées d’objets, se font plus classiques pour accueillir un trombone qui jongle avec les sourdines.

TBPN est une composition instantanée qui doit beaucoup à une approche très contemporaine où les improvisateurs font un usage très étendu de leur instrument. Mahler ne s’en formalise pas, qui explore déjà ces territoires faussement hostiles aux côtés de ses compagnons de Journal Intime. TBPN, c’est aussi une formule chimique, entre cuivre et bois, où se rencontrent des particules élémentaires. TB, Trombone, PN, piano. Il s’agit donc d’un alliage, et sans doute des plus rares. Dans la « Partie 3 », laissée en friche entre souffle et silence, le moindre bruissement s’harmonise dans une sorte de poésie brute qui crée de nouvelles interactions. Mahler explore ses graves, qui vrombissent sans forcer, mais il y a quelques lueurs plus fragiles que souligne le son mat des touches empesées du clavier. La rythmique habile de Camarasa fait le reste pour conduire à une sorte de précipité chimique qu’on soupçonne d’être hautement inflammable malgré son émulsion à bas bruit (« Partie 5 »).

Paru sur le nouveau label Gigantonium, TBPN offre dans un temps très court - moins d’une demi-heure - l’occasion à deux esprits frappeurs de la musique improvisée hexagonale de s’exprimer librement et sans chercher à développer un concept. L’esthétique défendue est sauvage et radicale, mais elle permet d’allier les capacités microtonales du soufflant et les ressources de sons quasi infinies d’un piano joué sans aucune retenue. Une réussite.

par Franpi Barriaux // Publié le 22 avril 2018
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