Chronique

The Kandinsky Effect

Synesthesia

Warren Walker (ts, fx), Gaël Petrina (b, fx), Caleb Dollister (dms, elec, fx)

Label / Distribution : Cuneiform Records/Orkhêstra

Enregistré à Reykjavík fin 2011, Synesthesia, deuxième album de ce trio franco-étasunien, emprunte à la capitale islandaise son goût pour les contrastes telluriques et les musiques électroniques élaborées. Véritable power trio s’attachant moins au rock qu’aux grooves infectieux des cultures urbaines, The Kandinsky Effect renouvelle le genre sans s’affranchir absolument des codes. A l’écoute, par exemple, de « Walking », porté par la basse percluse d’électronique de Gaël Petrina (belle découverte de cet album), on entend bien que ses membres s’inscrivent dans un jazz hybride aux préoccupations contemporaines. A l’instar de groupes comme Get The Blessing, le bassiste forme avec le batteur Caleb Dollister un soubassement robuste dont la polyrythmie cherche plus le mouvement que la complexité. Ils n’hésitent pas, d’ailleurs, dans un « Mexican Gift Shop » aux relents de métal, à assumer une facette assez lisse, malgré les heurts de la batterie.

Sur cette base solide, le saxophoniste Warren Walker, qui signe la plupart des morceaux, peut laisser libre cours à son jeu lyrique (cf. la bluette mélodique « Brighton »), à la fois large et anguleux, qui fait parfois songer à un Fabrizio Cassol qui aurait opté pour le ténor. A la pointe du triangle, c’est lui qui donne la direction et lance ses comparses sur la piste d’un dub faussement languide (« Johnny Utah »), ou d’un breakbeat acrimonieux (« MC »). C’est d’ailleurs sur cet excellent morceau, où le saxophone semble s’extraire d’une brume d’électro, que la rythmique du trio ressort le mieux ; la basse altérée de Pétrina agresse, acide, une batterie débordante d’énergie et d’invention.

On pense souvent au Kami Quintet, à cause de cette fluidité très actuelle qui cherche à renouveler les langages. Néanmoins, la formule trio produit une musique plus âpre et plus dense. Entre effervescence et raffinement, électronique bouillante et mélodies très organiques, The Kandinsky Effect joue avec agilité de son équilibre précaire. La synesthésie étant un trouble neurologique qui associe deux sens à une même perception, on déplorera seulement que Synesthesia ne troque pas le sucre pour des ingrédients plus doux-amers. Il n’en reste pas moins très appétissant.