Chronique

The Unplayables

Harmonic Integration

Ben Sluijs (as, fl), Jereon Van Herzeele (ts), Manolo Cabras (b), Marek Patrman (dm), Erik Vermeulen (p)

Label / Distribution : De Werf

Ben Sluijs Quartet meets Erik Vermeulen

Attention, voici du lourd, du solide, du costaud. Du jazz de haut vol.
On connaissait Ben Sluijs comme un superbe mélodiste (Candy Century en 1999 ou Seasounds en 2001) et excellent saxophoniste alto.
Il y a quatre ans, il décide d’abandonner son premier quartette pour en reconstituer un autre dans une optique beaucoup plus ouverte et aventureuse. Pour l’occasion, il s’entoure de Manolo Cabras (b), Marek Patrman (dm) ainsi que de Jereon Van Herzeele, au ténor, comme deuxième souffleur. Suivant des chemins ouverts par Ornette Coleman, John Coltrane, Dave Liebman ou même Albert Ayler, il propose deux excellents albums : True Nature et Somewhere In Between, pas toujours compris par un public d’habitués un peu désarçonnés.

Avec Harmonic Integration, Sluijs enfonce le clou, affirme son orientation et trouve réellement le bon équilibre. Pour l’occasion, il invite Erik Vermeulen (qui faisait partie du premier quartette) à réintégrer le groupe pour donner naissance à « The Unplayables ». Tout un programme !
Avec une grande inventivité, Ben Sluijs arrive à relier une musique à la fois très libre et en même temps très harmonique. Toutes les compositions, ainsi que deux improvisations, sont d’une fluidité étonnante. L’entente entre les musiciens y est palpable. Le groupe ne laisse jamais traîner une idée en longueur, mais au contraire, l’exploite avec infiniment d’habileté.
Le titre éponyme de l’album est une formidable suite où Sluijs (à la flûte cette fois) dialogue délicatement avec le ténor légèrement abrasif de Van Herzeele, tandis que Vermeulen saupoudre l’ensemble d’accords des plus cristallins. Et de la matière brute, sculptée avec finesse, se dégage petit à petit un diamant éclatant.
Sur « Squawk » ou sur le long et ondulant « Twinkling Darkness », les deux saxophonistes s’en donnent à cœur joie dans les grands espaces qu’ils se sont aménagés. Ici, l’horizon semble sans fin. Le terrain est perpétuellement mouvant et l’on passe par mille et une émotions sur des rythmes et des tempos fluctuants. Chacun des musiciens développe sa voix avec une justesse et une sensibilité à couper le souffle.
Que ce soit sur des thèmes aux structures parfois complexes (« Limited Damage ») ou débridés (« Where Is The Joy »), la rythmique est constamment à l’affût. Rien ne leur échappe. Le batteur et le contrebassiste sont parties prenantes dans chacune des compositions et contribuent à la solidité de l’édifice. De ce fait, même une ballade comme « Scalewise », que l’on pourrait penser anodine au départ, prend des couleurs chatoyantes et en devient subjuguante.

Harmonic Integration est sans doute l’un des disques les plus aboutis et les plus fascinants de Ben Sluijs. À découvrir d’urgence.