Scènes

The Workshop passe à table

Le Workshop de Stéphane Payen en tournée à Angers


Photo : Laurent Poiget

Une série de dates a amené The Workshop de Stéphane Payen de Bruxelles à La Roche-sur-Yon en passant par Paris. Avant le retour à la capitale, le concert à Angers s’est tenu dans le contexte accueillant d’un bistrot élégant. Compte rendu devant un verre de vin blanc du Roussillon, sec et généreux.

Les quatre membres se pratiquent et se connaissent bien. L’absence de Bo van der Werf, retenu au fond de son lit par une mauvaise grippe, si elle est regrettable, ne se fait pas sentir. Une place aurait à coup sûr été faite à cet invité de choix mais le quartet est rôdé et attaque gaillardement le premier set avec une spontanéité totale.

Dans ce bar à vin Une fille et des quilles, l’ambiance est détendue. Les gens peuvent manger, certes, mais boivent également un verre et assistent aux concerts de jazz qui se tiennent quelques jeudis dans le mois. L’avantage de ce type de concert en pareil endroit est double. On ne se grise pas uniquement d’alcool mais également de notes, et la sensualité des sons est une euphorie pareillement plaisante. Dans la proximité des musiciens, on retrouve l’esprit qui anime cette musique depuis ses origines : l’immédiateté. La rupture entre la scène artistique et la scène du monde n’existe pas, les musiciens s’écoutent tels qu’en eux-mêmes sans mixage et sans tricherie.

Stéphane Payen, photo Laurent Poiget

C’est donc devant un mur magnifique de bouteilles de belle tenue que Stéphane Payen et ses partenaires ont salué la salle et débuté par une composition, parfait reflet de cette formation. Une musique directe où les deux soufflants (l’autre est le trompettiste Olivier Laisney) tiennent le devant et enchérissent de prouesses lorsqu’ils prennent des solos à tour de rôle et à vive allure. Il faut dire que, poussés par une section rythmique toujours droite dans ses bottes et qui propulse un groove efficace impeccable de rebond (Vincent Sauve aux baguettes et Guillaume Ruelland à la basse électrique ne s’en laissent pas conter. Ils choisissent même d’avancer les instruments un peu plus près du public pour le second set), les deux ne sont pas en peine question imagination et propositions variées.

L’esthétique de The Workshop, pourtant, pourrait dérouter. Leur approche est contemporaine, elle s’entend sur deux disques (Conversation With a Drum] / Music by Doug Hammond]). Ils jouent d’un foisonnement rythmique qui tient ses influences du jazz nord-américain, bien sûr, mais aussi d’une tradition africaine dont on sent remonter le magnétisme dans des structures rythmiques à la fois déstabilisantes et parfaitement entraînantes.

Sur cette polyrythmie s’échafaudent des thèmes complexes (Stéphane Payen cite son vieux complice Benoît Delbecq) qui génèrent un entrelacement d’improvisations abstraites et dissonantes. Rien de discordant cependant, et l’intérêt vient de là. Les écarts les plus extrêmes s’immiscent dans un jeu fluide et leur donnent beaucoup de suavité. Le lâcher-prise des musiciens, enfin, permet une pleine incarnation et un enthousiasme honnête. On se retrouve dans le contexte d’une discussion avec une personne intelligente. Cela donne l’impression de l’être soi-même, on s’en trouve flatté, on en repart ravi.