Chronique

Thibault Gomez Quintet

La Grande Rêveuse

Thibault Gomez (p), Robinson Khoury (tb), Pierre-Marie Lapprand (saxes), Etienne Renard (b), Benoît Joblot (dm)

Label / Distribution : Parallel Records

Élève au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, Thibault Gomez est un jeune pianiste (né en 1992) originaire de Chambéry. En 2015, lors du Tremplin Jazz Européen d’Avignon, il remporte le Grand Prix du Jury - Prix Studios la Buissonne qui lui ouvre les portes du mythique studio de Pernes-les-Fontaines. Il y enregistre l’été suivant son premier album en leader qu’il intitule La Grande Rêveuse et qui vient de sortir chez Parallel Records. Entouré de ses copains du CNSM au sein d’un quintet soudé et talentueux, Thibault Gomez nous emporte dans son imaginaire riche et foisonnant.

On est emballé dès le premier morceau ; après une introduction minimaliste et bancale, « Les Escargots n’ont pas d’oreilles » distille un joli thème africanisant où le piano préparé du leader sonne presque comme un balafon. Le second morceau, « Voyons monsieur, sortez de chez moi et rentrez chez vous », répand une angoisse sourde à l’aide d’un motif rythmique entêtant et d’un enchevêtrement de timbres stridents. Dans « Rhinocéros pirate », composition du batteur Benoît Joblot, Robinson Khoury et Pierre-Marie Lapprand étalent leur grande complicité à grands coups d’unissons et de contre-chants envoûtants. Suit une délicieuse ballade alanguie, « La Montée des ballons », délicate et raffinée. « La Grande Rêveuse » met en lumière l’osmose entre le piano du leader et le trombone de Khoury, tous les deux à l’origine du quintet. « Crapauduc » évoque, dans une ambiance bringuebalante et bruitiste, l’inexorable marche des crapauds qui empruntent ces crapauducs, tunnels qui leur permettent de traverser les routes sans se faire écraser (!). « Prunelle », autre composition de Benoît Joblot, clôture l’album en apesanteur avant de laisser place à une plage fantôme très hard bop qui nous fait dire que ces jeunes gens maîtrisent décidément tous les idiomes du jazz.

Pour un premier album, la musique de Thibault Gomez fait déjà preuve d’une belle maturité. Fourmillante d’idées, elle privilégie la nuance et l’espace. Elle avance groupée, imposant un son d’ensemble d’une modernité élégante. Sa musique fait parfois penser à celle des premiers albums du quartet d’Émile Parisien. On y retrouve les mêmes qualités : mariage des genres et alliage des timbres, humour potache, art de la narration, technique instrumentale aboutie au service du collectif. Souhaitons à Thibault Gomez et à ses amis pareille réussite.