Chronique

Tonbruket

Live Salvation

Dan Berglund (b), Johan Lindström (g, pedal steel), Martin Hederos (p, synth, vln), Andreas Werliin (dms)

Label / Distribution : ACT

Amusant, ce titre d’album insinuant que la musique de Tonbruket pourrait être libérée en live, ou du moins que son exécution in situ serait salutaire pour le groupe et son auditoire… Non que ce soit une aberration, mais l’écoute de ce disque enregistré en live au Bix Jazzclub de Stuttgart fin 2016 pose question, non sur l’intérêt de se déplacer pour aller écouter ce quartet touche à tout, mais sur la pertinence d’en restituer une performance sur disque.

Car s’il ne fait aucun doute que les auditeurs/spectateurs présents ce soir là on dû passer un très bon moment, l’écoute de l’album s’avère fastidieuse. Les morceaux, quoiqu’assez fidèles à leurs originaux, ne bénéficient pas du même soin porté à la production, au travail du son. Le studio et les perspectives qu’il apporte font partie intégrante de la démarche du groupe depuis ses débuts. Privé de ce « cinquième instrument », le groupe doit compenser la perte de détails par de l’énergie, de l’intensité. On l’entend sur Live Salvation, mais on ne la ressent pas toujours. De fait, en l’absence des indispensables vibrations qui impliquent l’auditeur, on se retrouve avec des versions inutilement allongées, comme celle de « Nightmusic », une sorte de dub dont on décroche car le groupe, pourtant séduisant dans le son d’ensemble, patauge dans l’improvisation. Même constat sur « Gripe », une ballade ennuyeuse, ou « The Missing », sur lequel le manque de fond se fait ressentir.

C’est dommage car le groupe nous montre ailleurs un plus riant visage, notamment sur des titres plus concis comme « Dig It to the End » ou « Balloons », où le côté pop est mis en avant et où est effacée l’inutile cérébralité qui nuit à d’autres morceaux. Le groupe est remarquable dans l’exécution d’une musique simple basée sur les couleurs et l’énergie. Une musique qui peut ouvrir des portes à l’imaginaire. Mais dès qu’il cherche à intellectualiser son propos, Tonbrucket se voit mis à mal par la comparaison inévitable avec le niveau de jeu sophistiqué de musiciens qui donnent un sens à l’improvisation, en nourrissent leur musique.

C’est sans surprise dans le pétrissage de la masse sonore que le groupe sort le grand jeu. Il faudra laisser passer quelques circonvolutions trop précieuses pour enfin pénétrer au cœur de « Sinkadus ». On se demande alors pourquoi cette approche directe n’est pas systématiquement privilégiée. Le titre qui clôt l’album, « Vinegar Heart », est basé sur une alternance de climats doux ou électriques, toujours exécutés de manière simple et efficace, jusqu’à une montée finale lourde et saturée qui a le mérite de nous emporter.

Live Salvation réserve donc quelques beaux moments, mais on lui préférera les albums studio, également parus chez ACT, sur lesquels les morceaux sont généralement abordés selon des schémas de développement plus simples, mais bénéficient d’un subtil travail d’agencement de la palette sonore qui fait un peu défaut ici.