Chronique

Tony Malaby Tamarindo

Somos Agua

Tony Malaby (ts), William Parker (b), Nasheet Waits (dm)

Label / Distribution : Clean Feed

Tony Malaby n’avait pas signé de disque sous son nom depuis l’aventure Novela, à la tête d’un groupe élargi jouant ses compositions arrangées par la pianiste Kris Davis. Le revoici avec son trio Tamarindo, pour le troisième disque du groupe, au côté des fidèles Nasheet Waits et William Parker, pour un album d’une grande maturité musicale.

Avant l’enregistrement, le saxophoniste a voyagé en Amérique du Sud, notamment en Colombie et en Argentine. Événements marquants pour Malaby qui, hispanophone de naissance, y a rencontré beaucoup de musiciens, donné des concerts, animé des ateliers et découvert une ambiance propice à la musique. Somos Agua est imprégné par cette aventure. Une influence, toutefois, qui se retrouve moins dans les thèmes que dans la manière d’appréhender la musique, la relation au trio, l’art de faire vivre le jeu. Elle se retrouve dans la référence à l’eau (cf. le titre), qui se comprend parfaitement à l’écoute du disque. Ici, la musique jaillit avec force, circule et rebondit perpétuellement entre les trois musiciens, tourbillonne, entre en ébullition puis s’apaise ; comme l’eau, elle miroite de mille couleurs, tantôt abstraite, tantôt portée par une splendide mélodie. Les flots issus de la batterie, de la contrebasse et du saxophone viennent nourrir un fleuve que rien ne semble pouvoir arrêter.

Somos Agua est à la fois complexe, dense et riche. Nasheet Waits est incandescent ; sa batterie est un parfait trait d’union - ou plutôt une symbiose parfaite - entre histoire et modernité. L’immense William Parker et lui forment une paire au jeu profond, directement issue du patrimoine du jazz, mais d’une fraîcheur remarquable qui fourmille d’idées, aussi à l’aise dans le tumulte et le maelström que dans la plus subtile ballade, où la magnifique sonorité du saxophoniste donne toute sa mesure. Ce dernier n’est jamais plus à l’aise qu’en trio, où son sens de l’écoute et de l’interaction nourrit une grande inventivité. Roi de la construction du discours dans l’instant, Malaby signe ici son grand retour en tant que leader.