Scènes

Toubifri in Normandy


Dans le cadre de la rentrée des Grands Formats, déclinaison de l’événement rémois, le Trianon Transatlantique de Sotteville-lès-Rouen recevait le Very Big Experimental Toubifri Orchestra (VBETO) avec Loïc Lantoine. Pour une soirée qui s’annonçait festive, poétique et drôle. De quoi être sûr que les cases seraient cochées à la fin, tant les forces en présence ont l’habitude de tout donner, voire un peu plus.

Loïc Lantoine est en terrain conquis à Sotteville, et le public nombreux (en fosse pour les prolos, en balcon pour les instits à la retraite, ou comment cerner son audience avec dérision !) en témoigne. Ici, il est venu faire de la hanhon hhrançaise [1] avec un seul contrebassiste, faire sa fête à Brassens avec les Etrangers Familiers… Et le voici maintenant introduit par Capitaine Saxo, un Monsieur Loyal aux notes étranglées qui célèbre « Les Lacs du Connemara » avec tous les honneurs dus à son rang. Après tout, quelques temps plus tard, c’est Johnny (« Nny ») qui sera célébré, dans une chanson devenue célèbre et qui permet à l’orchestre de montrer sa puissance. Et c’est peu dire qu’elle est sans limite.

VBETO © Franpi Barriaux

Scénographie travaillée, explosive, bigarrée, le VBETO n’est pas là du tout pour faire le backing band d’un poète ou lancer des cotillons. La direction collective, où la flûtiste Mathilde Bouillot fait office de régulatrice, permet une large circulation de l’orchestre et des passages où certaines sections se libèrent, à l’instar des trombones, détonateurs de l’énergie collective. Les textes de Lantoine, beaux, décharnés, écorchés souvent, prennent du muscle et du souffle avec dix-neuf musiciens derrière lui, fussent-ils parfois indociles. Ce n’est plus un chanteur solitaire qui contemple le monde avec regard pétillant mais désabusé. Avec le Toubifri, c’est un cortège. Une légion. « À l’attaque ! »

VBETO © Franpi Barriaux

C’est peu de dire que ceux-là se sont trouvés et que ça fonctionne. A plus d’un titre d’ailleurs puisque, quelle que soit la raison de sa venue, chanson à texte, énergie jazz ou rock (on sait pas trop mais ça tabasse), spectacle vivant, le public est reparti ravi. Ce grand format n’oublie personne, et surtout pas Greg Gensse dont la mémoire est fièrement honorée. Il sait aussi pertinemment où il va avec une force rare. À ne pas manquer, si la chance fait qu’ils passent par chez vous.

par Franpi Barriaux // Publié le 25 novembre 2018

[1Ecouter ses disques pour comprendre cette prononciation estropiée…