Scènes

Une après-midi au violon

Visite au Centre des Musiques Didier Lockwood


Après avoir présenté Eric Le Lann dans son Ecole de Création Musicale à Lohéac, Citizenjazz vous propose une visite de l’école créée par Didier Lockwood à Dammarie-lès-Lys [1]. Le lundi après-midi, jour où le violoniste enseigne dans son école, rendez-vous est pris au Centre des Musiques Didier Lockwood [2].

Créé en janvier 2001, le CMDL a bénéficié pour son lancement de l’aide financière de la Fondation Franck Ténot. Il est également financé par la mairie de Dammarie-lès-Lys, des sociétés civiles (SPEDIDAM, ADAMI, FCM, SACEM), le ministère de la Culture, le Conseil général de Seine-et-Marne et le Conseil régional d’Ile-de-France.
Le CMDL assure des cours de violon, piano, guitare, saxophone, trompette, basse/contrebasse, batterie. Il compte une cinquantaine d’’étudiants avec une moyenne d’âge de 23 ans. L’école ne compte que 2 filles cette année contre 10 l’an dernier. La sélection à l’entrée se fait sur audition.
Les élèves paient 4600 € pour un an, la formation pouvant durer deux ans. Suivant leur niveau, ils rentrent en 1ère ou en 2e année. Ils peuvent bénéficier d’aides régionales. L’AFDAS finance la formation pour les intermittents du spectacle. Le CMDL octroie aussi des bourses financées par la taxe d’apprentissage. Les locaux sont prêtés par la mairie qui paie aussi les charges afférentes. Un auditorium est en projet. Pour l’instant, la municipalité met à disposition des salles pour des master classes. La bonne entente avec la municipalité est manifestement la clef de la réussite du projet.

C’est Mme Charlier, l’épouse d’André Charlier, batteur de Didier Lockwood qui est la directrice administrative et logistique du Centre. Conseillère fiscale en Belgique, elle avait promis à son mari qu’elle s’installerait à Paris le jour où la France deviendrait championne du monde de football. C’est chose faite depuis le 12 juillet 1998.

Même si le CMDL ne délivre pas de diplôme reconnu par l’Etat, la formation est reconnue comme études supérieures. C’est surtout une école de musiciens qui apprenent à se connaître et à jouer ensemble. D’ailleurs, 95% des élèves sont restés sur Paris et la région parisienne (nouvelle illustration de « Paris et le désert français ») et ont commencé à jouer professionnellement.

Après cette présentation de l’organisation du CMDL, nous passons aux cours en commençant par celui de Pierre Jean Gaucher pour la guitare.

Il explique que son cours se situe entre le particulier et le collectif. Avec seulement 5 élèves, la proximité est grande. Les élèves ont des exercices hebdomadaires à faire et sont évalués chaque trimestre. Ici, c’est le niveau d’études supérieures en Jazz

Benoît Sourisse, professeur de piano, apprend à jouer en groupe. Chacun des élèves va jouer en club. Quand Didier Lockwood part « festivalser », il emmène certains élèves avec lui pour les aguerrir sur des grandes scènes. On ne leur ment pas sur la réalité du métier. Mais Benoît Sourisse pense avec optimisme que le fait de compter de nombreux musiciens génère l’émulation, le public, les clubs, les festivals. Il apprend à ses élèves à écrire, à gérer un projet de A à Z. C’est une école de professionnels.
Tous les jeudis, 6 pianistes se relaient et font chacun une intervention soit 5 passages pour chacun dans l’année. S’y ajoutent des master classes (Kenny Werner est déjà venu) et des ateliers esthétiques. Bref, beaucoup de choses à assimiler en peu de temps.

Pour Lockwood, un improvisateur est un compositeur en temps réel. Il nous livre ensuite sa vision de l’enseignement et du conflit classique/Jazz.

" Je leur apprends à se régler rythmiquement. La qualité d’un jazzman, c’est l’appréhension du rythme. Puis l’ouverture harmonique. D’où les cours d’harmonie, d’oreille. Les musiciens classiques ont pris de mauvaises habitudes rythmiques qu’il faut remettre en cause. Ils apprennent une autre langue. Mais ça leur fait du bien pour le classique. Depuis la période romantique, le rythme a été mis sous l’éteignoir. Dans la musique baroque, il y a du rythme et de la place pour improviser. Ca revient avec la musique d’Europe de l’Est : Stravinski, Bartok, Prokofiev. Le rythme, ce n’est pas la pulsation rythmique. Même les percussionnistes classiques ne savent pas mettre la pulsation. En classique, on n’apprend toujours pas à un contrebassiste à faire une walking bass. C’est désolant !
J’en ai assez de la condescendance des musiciens classiques envers les jazzmen. Un musicien de Jazz peut jouer du classique, pas l’inverse. Heureusement, les choses évoluent. Je viens d’être contacté par Pierre Amoyal pour enseigner à la Grande Académie de Musique de Lausanne. Maxime Vengerov est venu me voir parce qu’il en avait marre d’être une moitié de musicien. Le violon n’est pas conçu ergonomiquement pour le Jazz. En jouer Jazz est une spécialité française que je transmets ici avec grand plaisir. "

par Guillaume Lagrée // Publié le 14 avril 2003
P.-S. :

Quelques mois après mon passage à l’Ecole de Création Musicale d’Eric Le Lann à Lohéac, le Centre de Musiques Didier Lockwood m’a montré la même démarche mais mieux organisée, avec cette spécificité du violon Jazz qu’apporte Didier Lockwood ainsi que son carnet d’adresse de musicien internationalement reconnu, une inscription impeccable dans le paysage local (Didier Lockwood vit à Dammarie les Lys depuis des années), la proximité de Paris (46km au Sud) tout en étant presque à la campagne.
Tous ces facteurs propices augurent bien de la pérennité du Centre des Musiques Didier Lockwood. Avec plus d’argent, il pourrait faire encore mieux. Avis aux généreux donateurs !

[1à 46 km au sud de Paris et à 4 km de Melun (Seine-et-Marne)

[2187, avenue du Lys 77190 Dammarie-lès-Lys - Tél 01 64 83 07 50 - Fax : 01 64 83 07 51 - Email : cmdl@wanadoo.fr - Site web : cmdl.free.fr