Chronique

Vox Bigerri + Jim Black

Tiò

Pascal Caumont (voc), Fabrice Lapeyrere (voc), Régis Latapie (voc), Bastien Zaoui (voc), Jim Black (dms).

Label / Distribution : Le Fil

On pourrait se dire que cette histoire est impossible. Comment imaginer en effet la rencontre entre un chœur de chanteurs bigourdans spécialisés dans les polyphonies d’Europe du Sud et un batteur en provenance de la scène jazz new-yorkaise qui s’est illustré, au-delà de ses propres formations, avec la fine fleur de l’avant-garde : Tim Berne, Dave Douglas, Uri Caine ou Steve Coleman pour en citer quelques-uns ? Cette jonction a pourtant réussi à prendre racine, et d’une manière plutôt enthousiasmante. Il est vrai que Vox Bigerri évolue sur un chemin marqué à la fois par la transmission de chants traditionnels et l’ouverture vers aujourd’hui et demain, parce qu’il faut avancer, encore et encore. Quant à Jim Black, batteur capable de dire l’histoire du jazz comme de défricher de nouvelles pistes, il était a priori de ceux que le quatuor avait toutes les raisons d’appeler pour « dire oui », ou Tiò en occitan gascon.

Voilà donc une addition de forces qui paraît d’autant plus naturelle que le rythme est au cœur de ces chants destinés à danser, quelque part dans la chaleur des veillées du Béarn et de la Bigorre. Car il s’agit bien de cela dans Tiò : chanter, danser, être ensemble, manifester la force de la vie. Il est là, le « oui » lancé comme un appel à notre monde si souvent replié sur ses individualismes.

Composé pour l’essentiel de chants traditionnels (dont toutes les paroles sont traduites en français et en anglais sur le livret), mais aussi d’un standard du jazz dont le choix ne doit rien au hasard en ce qu’il porte en lui un appel déchirant à l’humanité (« Strange Fruit ») et de trois chansons originales, Tiò est un moment de grande générosité tout au long duquel le jeu du batteur ne semble jamais plaqué sur les voix qui, pourtant, n’ont besoin de personne pour offrir toutes leurs richesses. Elles accueillent au contraire la percussion comme un adjuvant, comme une source de vie supplémentaire qui ne demande qu’à jaillir.

Tiò est un dialogue tout aussi inattendu qu’enchanté, qu’on ne saurait que trop recommander à l’heure où l’Autre est souvent désigné comme l’ennemi. Il est une démonstration humble – profondément humaine, rappelons-le – de toute la richesse qui peut naître du brassage de cultures qu’on pensait éloignées. Et puis, pour dire les choses encore plus simplement : ces douze chants vous prennent aux tripes !