Chronique

W.A.C.

Marguerite

Nicolas Stephan (voix, s), Antonin Rayon (orgue Hammond, clavinet, chœur), Sébastien Brun (dr, cl), Anne-Sophie Arnaud (théâtre)

Label / Distribution : Carton

« Chevaux insolites : le mulet.
Cheval de parade, cheval de voltige.
Cheval aux pieds mouchetés, Lipizzan, Genet d’Espagne : un quartet. »

Un homme explique à son neveu le fonctionnement d’un jeu de cartes chevalin : le monologue ouvre le deuxième disque du Woland Athletic Club, Marguerite, sorti chez Carton records au printemps 2012. Etrange introduction pour un groupe qui l’est tout autant : Nicolas Stephan (voix, saxophone, glockenspiel, petite batterie), Antonin Rayon (orgue Hammond B3, clavinet, vieux glockenspiel en bois, chœur), Sébastien Brun (batterie, claviers, électronique, petite voix) et Anne-Sophie Arnaud aux excentricités corporelles et/ou acte théâtral. Cette dernière participe sur scène de l’imagerie d’ensemble, bâtisse aux matériaux multiples en perpétuel chantier. Les excentricités, elles sont partout, et pas que corporelles. À l’image de cette distribution d’instruments, tout le monde touche à tout dans ce club de sport musical, et il faut encore un organiste sur un morceau, Boris Boublil, et deux mixeurs, Pierre Luzy et Clément Edouard, pour que le disque naisse. Sans oublier tous les autres.

Collage venu d’on ne sait où, cette Marguerite pioche là où elle en a envie, sans se soucier du reste. Jazz, free jazz, pop, rock, farce (sérieuse), cirque, chanson, bruitisme… Le W.A.C. « réunit musiciens, sportifs internationaux, hôtesses de l’air, barbus en cuir autour d’un grand projet : sauver le monde de la défaite ! ». Nous sommes dans un univers pop entraînant au début de « Question Mark (??) », quand tout à coup l’espace s’étiole, l’orgue d’Antonin Rayon (déjà à l’œuvre chez Sylvaine Hélary ou Wildmimi) tourne en boucle, et le saxophone de Nicolas Stephan étire encore le temps jusqu’à n’en plus pouvoir… Alors seulement la batterie revient, et le morceau s’envole. La continuité de la musique est construite sur de telles cassures, quand son épaisseur vient de la juxtaposition, du dialogue, voire du choc entre des sonorités contradictoires : clavier pop et saxophone jazz (« Du rafting dans les ruelles »), ou chanson dans un germano-néerlandais probablement inventé de toutes pièces, et orgue cérémonial (« Lip 10 », qui rappelle certaines lentes montées en puissance du Surnatural Orchestra, dont fait partie Nicolas Stephan).

Insolite quartet, le W.A.C. met en scène la musique et se met en scène lui-même, en s’amusant à construire un tout avec des pièces détachées. Mais les pétales seuls ne valent rien, ce qui est précieux, c’est la Marguerite toute entière.