Chronique

Yves Theiler Trio

Dance In A Triangle

Yves Theiler (cla), Luca Sisera (b), Lukas Mantel (dms)

Label / Distribution : Musiques Suisses

Il est d’usage de désigner un trio de jazz sous la forme d’un triangle. Il peut être équilatéral ou isocèle. Une chose est certaine avec le pianiste Yves Theiler, il ne sera pas quelconque. Le jeune prodige suisse apparaît, à moins de trente ans, avoir dépassé le statut d’espoir de l’instrument. Il est si féru de géométrie qu’à l’extrême limite, il s’agirait d’un triangle rectangle, avec les angles bien droits dessinés par le contrebassiste Luca Sisera qu’on avait croisé avec le Kerouac de Michael Jaeger. « For Bass » qui ouvre Dance In A Triangle en est un parfait exemple. L’ostinato main droite du piano, soutenu par la batterie inventive de Lukas Mantel offre à la contrebasse de nombreux entrechats sans sortir d’un cadre très large. Le batteur se place toujours sur l’angle le plus aigu de la forme qui se trace, fermement définie par un leader qui a déjà une vision affirmée de sa musique.

Celle-ci néanmoins n’est pas anguleuse. L’ancien élève de Richie Beirach, filiation évidente dans le très percussif « Caravan Change », aime à laisser beaucoup de place à ses vieux compagnons de route. Ainsi « Book Of Peace », long morceau central, est bâti autour d’une base rythmique très en pointe ; c’est au tour du piano de danser dans le triangle, quittant son cap pour digresser avec une certaine langueur, à l’instar de ce que Theiler pouvait proposer avec Omri Ziegele.

C’est le second album du pianiste en trio, après Out Of The Box paru en 2012. Voici qui permet de juger de ce que le leader a gagné en maturité et en personnalité. Certes, l’arrivée de Sisera au lieu de la basse électrique de Valentin Dietrich a permis de donner une touche plus organique. Cela intime au trio une nécessaire sobriété où le batteur, qui a travaillé avec Pierre Favre, fait merveille (« In A Way It’s Nothing »). L’écriture comme le jeu de Theiler s’éloigne peu à peu des cascades harmoniques où le nombre de notes compte plus que les émotions. De bon augure pour la suite.