Chronique

Zimmerlin / Meier / Stoffner

One (For [Your Name] Only)

Label / Distribution : Wide Ear Records

Avec ce trio, ce sont différentes générations d’improvisateurs suisses qui se rencontrent, comme pour attester que les années importent peu quand on a décidé d’être radical dans ses actes et dans son art. Voici l’un des messages que véhicule ce disque paru sur le label Wide Ear Records, prompt à accueillir les projets de ce genre. Le violoncelliste Alfred Zimmerlin est plus âgé que ses deux compagnons, le batteur David Meier, habitué des lieux (Things To Sound notamment) et le guitariste Florent Stoffner, aperçu il y a peu avec Rudi Mahall. La garantie, à l’image de « Little William », d’une musique abrupte, pleine d’un rage contenue et d’une tension si forte qu’elle confine parfois au silence.

David Meier, par des embrasements soudains (« Sayonara Noriko », où la guitare de Stoffner est plus grasse que du charbon) et des accompagnements bruitistes proches des sons d’une nature luxuriante et parfois hostile ; est le juge de paix d’un combat de cordes. L’affrontement n’est pas toujours direct : il est même souvent feutré, lent mais acerbe. Il se perd parfois dans la mêlée, entre pincement et frottement, sans qu’on sache franchement quel son provient de quel instrument (« Au-delà de Victoria »). Cela renforce une impression de désorientation de l’auditeur, ballotté dans des échanges circulaires et bien souvent étourdissants, à l’image de ces allers-retours incessants de la guitare entre sécheresse et saturation.

One (For [Your Name] Only) est davantage qu’une rencontre où chaque morceau est dédié à un prénom (à l’exception du court final qui rappelle en finnois que la lutte des classes n’est pas morte…). Le titre du disque, comme la musique jouée, est un hommage à l’aléatoire, à l’accident, à la collision impréparée où chaque prénom indique une langue et une atmosphère, gigantesque tour de Babel dont le trio s’est emparé des coursives. Il en ressort une poésie qui naît tout autant de la concentration extrême que de la faille, toujours au bord de la rupture, qui zèbre le disque et forge une vraie cohérence, en dépit des volontaires apparences.