Chronique

Benoît Lugué

Cycles

Benoît Lugué (eb), Matthis Pascaud (g), Martin Wangermée (dm), Denis Guivarc’h (s), Johan Blanc (tb), Olivier Laisney (tp), Magic Malik (fl, voix), Sarah Llorca (voix)

Label / Distribution : Absilone

Membre du quartet d’obédience SteveColemanienne The Khu, le bassiste Benoît Lugué s’essaie aujourd’hui à la direction d’orchestre en mettant à plat les deux influences majeures qui irriguent sa personnalité musicale : la pop et le jazz. Avec une générosité aussi spontanée qu’ingénue, il construit un disque simple et efficace où le soin porté à la production donne à entendre un quintet aussi puissant qu’un groupe de rock. La section rythmique gonfle les muscles à grand coups de sonorité synthétiques avec la batterie métronomique et sèche de Martin Wangermée tandis que la basse de Lugué (notamment sur “El Tigre”) déploie une puissance sourde. L’un et l’autre conservent néanmoins leur fonction première et alimentent l’ensemble avec méthode et une dynamique jamais prise en défaut.

De son côté, la guitare rythmique de Matthis Pascaud utilise divers effets de bidouilles en donnant un liant rythmique à l’intégralité de la formation qu’elle traverse par en-dessous avec une nervosité maîtrisée mais évidente. Au-dessus vient s’inscrire une section de cuivres (Johan Blanc et Olivier Laisney) dont l’impact est immédiat et qui s’abreuve à des influences funk voire afro-beat à base de boucles hypnotiques qui auraient supporté une plus grande complexité harmonique. Le propos n’est évidemment pas là et la simplicité est ici synonyme d’immédiateté. S’appuyant sur cette locomotive au trajet rectiligne, le saxophone de Denis Guivarc’h se détache de l’ensemble notamment dans “The Blue Nine” et s’aventure avec impétuosité dans les méandres d’une architecture soignée.

Deux invités de choix viennent compléter le tableau et apportent une touche personnelle qui ne détonne pourtant en rien avec l’ambiance générale. Malik Mezzadri instille sa poésie évanescente et lumineuse, sa flûte et sa voix ramenant le tout vers des ambiances éthérées et chantantes qu’elles étoffent avec un fort effet de contraste. Quant à Sarah Llorca, chanteuse et comédienne avec qui Lugué travaille également dans d’autres contextes, elle offre une incarnation humaine à un texte soigné qu’elle slame et qui, tout au bout du “Cri des Loups”, ouvre sur un climax particulièrement redoutable, clé de voûte de ce Cycles.