Scènes

Nils Petter Molvaer vs Cuong Vu

Deux trompettistes à l’avant garde du jazz contemporain.


Cette année, Paris a eu la chance de recevoir deux trompettistes à l’avant-garde du jazz contemporain : le Norvégien Nils Petter Molvaer et l’Américain Cuong Vu. C’est durant les deux festivals les plus importants de la capitale, « Jazz à La Villette » et le « JVC Jazz Festival », qu’ils nous ont fait partager leur musique.

NPM par Patrick Audoux © ap’scène

Le concert de Nils Petter Molvaer est un des événements de ce Jazz à La Villette 2003. Pour la troisième et dernière soirée consacrée à l’électro-jazz (après Wibutee le 11/09 et le duo Sidsel Endresen/Bugge Wesseltoft le 12/09), le Trabendo fait salle comble.

Nils Petter Molvaer compte (à tort) parmi les anciens de l’électro-jazz scandinave. Il est admiré pour sa sonorité unique, sa perpétuelle recherche de nouveaux sons, et chacun de ses concerts est une vraie surprise. Même si son dernier disque chez Universal, NP3, est moins expérimental que les précédents (ceci expliquant sûrement cela…), Molvaer s’éloigne de plus en plus du jazz pour côtoyer les bidouilleurs de sons de l’électro expérimental. Depuis son dernier disque, il a réduit sa formation (plus de bassiste ni de guitariste) pour laisser une plus grande place aux machines.

Patrick Audoux © ap’scène

Ce soir-là, il se présente donc avec Rune Arnesen à la batterie, Paal « Strangefruit » Nyhus aux platines, Jan Bang aux samples et Stale Storlokken aux claviers et machines. La session commence par une drum’n’bass fulgurante. Le public assis par terre ne comprend pas très bien cette entrée en matière musclée. Très vite, Stale Storlokken monte le son et distribue de plus en plus de samples rageurs. La salle suit, une véritable ambiance festive s’empare des spectateurs. Nils Petter Molvaer est peu communicatif, mais transmet des sonorités profondes et travaillées via une alternance de titres sauvages et de ballades électronico-ambient. Le trompettiste montre à quel point il est un faiseur de nappes incontesté. Ce concert sera marqué par un morceau combinant musique électronique et discours de Georges Bush. La salle réagit à la « française », mais comprend très vite la plaisanterie. Délicieux trait d’humour de la part du Norvégien.

Le public sort du Trabendo un peu sonné, mais résolument confiant envers la musique de demain (d’aujourd’hui ?) et ce que nous apportent ces musiciens scandinaves.

Cuong Vu par Laurent Abécassis

Loin des Fjord et du cercle polaire, la scène avant-gardiste new-yorkaise parle depuis un moment d’un trompettiste d’origine viêtnamienne : Cuong Vu. Dans les « parties » et cocktails « fashion », on s’arrache ce musicien talentueux. Depuis son premier disque, Bound, sorti chez Omnitone en 1999, Cuong Vu n’a cessé de côtoyer le gratin de la scène new-yorkaise : Jim Black et Dave Douglas entre autres. Son passage sur le dernier disque de Pat Metheny, Speaking Of Now, montre à quel point il est un instrumentiste de confiance.

Sa venue à Paris suscite beaucoup d’enthousiasme tant il vrai que la scène avant-gardiste se fait rare dans la capitale. C’est avec deux concerts en trio, Stomu Takeishi à la basse et Joe Tomino à la batterie, que le trompettiste conclut ce JVC Jazz Festival.

Cuong Vu par Laurent Abécassis

L’entrée en matière de la formation met tout de suite les points sur les « i » : puissance et déstructuration. La musique de Cuong Vu n’est pas facile d’approche, car elle va puiser dans de nombreux répertoires différents : free jazz, musiques électroniques et rock. Dès les premières notes, c’est le bassiste qui se montre le plus audacieux. Son jeu fait de lui le pilier du trio. Le discours du trompettiste repose entièrement sur lui. Takeishi crée les rythmes de façon beaucoup plus pertinente que le batteur. Entré en transe face à son instrument, Joe Tomino n’arrive pas à trouver sa place dans le trio. En cherchant à rendre la musique toujours plus sauvage et puissante, il oublie de s’effacer quand le trompettiste prend la parole. Cuong Vu réussit tout de même à se faire entendre, et parfois, cela donne de vrais moments de bonheur.

Nils Petter Molvaer et Cuong Vu ont trouvé leur chemin dans la musique d’aujourd’hui. Il nous reste à suivre leurs traces afin de voir et d’entendre ce que sera celle de demain.