Chronique

Jean-Pierre Mas

(H)ombre

Jean-Pierre Mas (p, kb, perc, voc, g, elb, bruitages, prgm), Claude Nougaro (voc), Didier Lockwood (vln), Toots Thielemans (hca), Idriss Boudrioua (saxes), Marie Hazet (voc), Daniel Mille (acc, accordina), Juan José Mosalini (bandonéon), Sylvain Marc (elb), Xavier Desandre (perc), André Ceccarelli (d).

Label / Distribution : Night Bird Music

Quand il n’en abuse pas, Jean-Pierre Mas a un sens de la mélodie qui peut faire des merveilles, comme sur Waiting for the Moon, sorti en 1998, où il était accompagné par Sylvain Marc à la basse et Jacques Mahieux à la batterie. Dans « (H)ombre », il part dans une direction sensiblement différente. Si la mélodie reste au centre de ses préoccupations, il abandonne le trio pour une formation à géométrie variable où l’on trouve pléthore de musiciens, tous plus connus les uns que les autres, de Didier Lockwood à Toots Thielemans en passant par Daniel Mille, André Ceccarrelli et même Claude Nougaro le temps d’une chanson.

(H)ombre, placé sous les auspices de la bossa nova et consorts, est un album très inégal. On y entend beaucoup de jolis thèmes, à l’image de « Poule d’eau », « (H)ombre », « Souvenir oublié » ou, sur un rythme de salsa, « Flor de venganza », mais à plusieurs reprises on tombe dans de la musique d’ambiance sans grand caractère (« Marianne », « Miroir » ou « Solamente dos veces »), des morceaux à la rythmique sourde et répétitive, dont « Salambo » et le « Prélude en mi mineur » de Chopin, souvent joué depuis que Gerry Mulligan l’a enregistré en 1963, ou des pièces qui ressemblent à des versions instrumentales de chansons, comme « Idriss » ou « Chouchou Baby ». Cette dernière fait d’ailleurs l’objet d’une variante co-écrite et interprétée par Claude Nougaro, « Chouchou bébé ». C’est une chanson typiquement « nougaresque », avec les jeux de mots, les citations (« Savez-vous planter les choux ») et la scansion rythmique que rendait si particulière son accent toulousain… Dans la deuxième chanson, « Cause toujours », les grognements sont d’un effet aussi douteux que les bruitages dont sont affublés certains morceaux : piaillements d’oiseaux, freinage et démarrage d’une voiture, ressac de la mer, bouteille qu’on débouche…

On regrettera donc qu’accompagné d’un tel aréopage de musiciens, Jean-Pierre Mas n’ait pas réussi à faire un album qui ait autant de goût qu’une caïpirinha dégustée sur la plage d’Ipanema…