Chronique

Olivier Calmel [Quartet]

Mafate

Olivier Calmel (p), Frédéric Eymard (avln), Jean Wellers (b), Bruno Schorp (b), Karl Jannuska (dm), Fabrice Dupé (dm), Mamour Seck (perc), Luiz De Aquino (g)

Label / Distribution : No Chaser Records

Olivier Calmel aime les voyages ! Le titre de son premier disque, L’incroyable voyage du docteur Maboul, sorti en 2001, était sans ambiguïté. Dans son nouvel album à paraître en juin, Mafate, le pianiste nous emmène à la Réunion bien sûr (« Mafate »), mais également en Australie voir « Le rocher d’Ayers », à Sienne admirer « Il Palio »… Une superbe odyssée en perspective !

Les musiciens de Mafate ont pour la plupart un solide bagage classique : Frédéric Eymard et Olivier Calmel sont passés par le Conservatoire Supérieur de Paris, Bruno Schorp vient de celui de Nancy, Jean Wellers a commencé par le violon classique… Inutile de détailler la biographie de Karl Jannuska dont on parle beaucoup en ce moment. Quant à Fabrice Dupé, qui tient les baguettes sur deux titres, il est notamment connu au sein du MDB Trio. Outre le quartet, deux invités partagent l’affiche : le percussionniste sénégalais Mamour Seck et le guitariste brésilien Luiz De Aquino. Voilà la famille au complet, on peut commencer le voyage…

Les thèmes sont signés Olivier Calmel, à l’exception de « Spirit Hommes » composé par Bruno Schorp, et « Chasseurs de têtes » écrit sur la base du « Watermelon Man » d’Herbie Hancock. A noter que six des douze morceaux ont été créés pour Close Up, un film de Claude Farge. Grosso modo les morceaux partent dans trois directions. D’abord, deux arrangements de facture plutôt classique : le deuxième mouvement d’une « Sonate pour deux pianos » en version pour piano solo et une version du « Rocher d’Ayers » pour duo guitare / piano. Ensuite, deux pièces funky, « Chasseurs de têtes » et « King’ Luis Song », dans lesquelles Olivier Calmel joue du Fender Rhodes. Enfin, huit compositions chaleureuses et colorées, à l’image de la pochette du disque, dont nous nous serions contentés.

L’écriture d’Olivier Calmel est dynamique. « Mafate » et « Nomade » balancent rondement. « Le rocher d’Ayers », superbe biguine, et « Piazotango » sont entraînants. « Expansions » et « Il Palio », avec leurs accents d’Europe centrale, sont bien cadencées. Même un morceau plus lent comme « A regret » reste dansant. A noter « Spirit Hommes » de Bruno Schorp, pièce majestueuse qui s’inscrit parfaitement dans l’ambiance de l’album.

Le violon alto de Frédéric Eymard donne un cachet particulier à l’ambiance du disque : la sonorité grave et le phrasé plutôt linéaire apportent une touche de musique contemporaine (« Expansion », « Nomade »), renforcent le côté mélodramatique (« Il Palio », « A regret », « Spirit Hommes ») et contribuent à la montée en tension (« Nomade », « Mafate »). Le jeu profond de Bruno Schorp et son archet (dans « Expansion ») servent avec efficacité la musique du quartet. Les solos virtuoses de Jean Wellers dans « Le rocher d’Ayers » et « Piazotango » sont savoureux. Sur ce morceau, d’ailleurs, l’accompagnement de Fabrice Dupé révèle un batteur subtil. Karl Jannuska, pour sa part, montre encore une fois qu’il est remarquable ! Son sens de l’écoute et sa musicalité font merveille (« Nomade », « Le rocher d’Ayers ») et ses chorus sont intelligemment construits (« Expansion », « Mafate »). Enfin, Olivier Calmel est non seulement un compositeur talentueux, mais un pianiste hors pair : mise en place impressionnante (« Expansion »), accompagnements de luxe (« Nomade », « Mafate »), superbe équilibre des mains (« Le rocher d’Ayers »), assurance digne d’un vieux routard (« Il Palio »)… Tout d’un Bojan Z, et des idées personnelles qui devraient l’amener très loin.

Roger Calmel, à qui est dédié le disque, peut être fier de son fiston : Mafate réussit parfaitement le pari de concilier originalité et plaisir ! Tout ce que l’on souhaite quand on voyage…