Scènes

Claudia Solal/Benjamin Moussay

Claudia Solal et Benjamin Moussay sont en résidence aux 7 Lézards. Revue de l’évolution du duo entre octobre 2004 et mars 2005.


Les 7 Lézards. Paris. Octobre 2004/Mars 2005.19h.
Claudia Solal : vo
Benjamin Moussay : p

Claudia Solal, au cas où vous l’ignoreriez, est la fille d’un Géant du piano, Martial Solal. Benjamin Moussay fait partie de cette jeune génération de pianistes français qui a écouté - mais pas copié - Martial Solal.

J’avais déjà apprécié Benjamin Moussay avec son trio et Claudia Solal avec un combo. Les entendre ensemble faisait à l’avance mon délice. Pourtant, le premier morceau m’inquiète beaucoup. Claudia vocalise, Benjamin tripote une espèce de clavier électronique rouge et blanc, un jouet d’enfant.

Heureusement, la douceur, la grâce du piano et du chant reviennent dès le deuxième morceau. Je ne repère qu’un seul standard (« Cheek to Cheek »), mais dans une interprétation bien différente des classiques de Frank Sinatra ou Louis et Ella. Puis une série de quatre morceaux de Monk et de nombreuses compositions originales. Ainsi, une improvisation de Benjamin Moussay sur des poèmes d’Emily Dickinson, ou « Porridge Days », chanson de Claudia sur une composition de Benjamin, digne de la « Folle complainte » de Trénet pour sa nostalgie de l’enfance et ses longs dimanches ennuyeux.

Il y a aussi des moments d’improvisation musicale et vocale, sorte de transcription brute des émotions, qui évoquent George Aperghis.

Un concert plein de fraîcheur, d’émotion, de prise de risque. Bref, un moment rare.

C’étaient là mes impressions d’octobre pour le premier duo de ce genre que j’entendais depuis « Une voix, dix doigts », Claude Nougaro avec Maurice Vander, en 1994. C’est dire si mon attente était grande. Elle ne fut pas déçue.

Six mois après, Benjamin Moussay a heureusement abandonné son ridicule clavier électrique pour se plonger plus avant dans le coeur et l’âme de son piano. Il le trifouille, y farfouille, le secoue, le remue. Bref, Moussay est un pianiste qu’il faut voir et écouter en corps à corps, coeur à coeur, avec son instrument.

Claudia Solal, elle, possède une technique vocale irréprochable, capable tant de gémir ou hurler que de susurrer, de vous envelopper dans une bulle de douceur.

L’entente entre ces deux-là est plus que cordiale. Elle est chaude, bouillante, créatrice, éruptive.

J’ai retrouvé le même répertoire qu’en octobre 2004. Des oeuvres comme « Porridge Days », qui me rappelle toujours « Les enfants s’ennuient le dimanche » de Trénet. Des standards revivifiés (« A Foggy Day in London Town », « Dancing Cheek to Cheek »), du Monk versifié par Jon Hendricks (« In Walked Bud », « Ask Me Now »), des improvisations chaque fois différentes sur des poèmes d’Emily Dickinson.

À six mois de distance, le même matériau musical travaillé par les mêmes artistes sonne différemment. Plus riche, plus assuré mais jamais figé.

par Guillaume Lagrée // Publié le 2 mai 2005
P.-S. :

Avec Thierry Péala et Claudia Solal, qui s’y succèdent chaque mois, le club parisien des 7 Lézards est l’endroit où il se passe des choses différentes en ce moment en jazz vocal. Foin des chanteuses lyophilisées made in USA ! Courez écouter Claudia Solal et Benjamin Moussay.