Chronique

Take The Duck

Live at Umit

Daniel Nösig (tp) - Toine Thys (ts) - Robert Jukic (b) - Thorsten Grau (dm)

Label / Distribution : Central Station Music

Troisième album de cette formation sans instrument harmonique. Emmené, en effet, par un sax et un trompette, Take the Duck, groupe austro-belgo-slovo-allemand, fait le pari d’un jazz dynamique, joyeux… et aussi mélodique. Et le moins qu’on puisse dire est qu’il y réussit.

Bien campés sur une rythmique précise et solide (Thorsen Grau et Robert Jukic), les deux leaders de la formation, Toine Thys et Daniel Nösig ont écrit la plupart des titres, qui puisent leurs influences dans un « post-bop » contemporain.

Les entrelacements de la trompette à la fois claire et grasse de Daniel Nösig et le ténor franc et rond de Toine Thys sont d’une éclatante réussite. Le dialogue fonctionne à merveille et les thèmes se déroulent et se tissent avec bonheur. Take the Duck ne précipite jamais les choses et expose avec sûreté et intelligence des compositions ciselées, apparemment simples, mais surtout efficaces.

« Ours In The Sky » en mid-tempo, ou encore le blues romantique « My Ideal » (de Chase - Robbin - Whiting) en sont les parfaits exemples et démontrent une maîtrise parfaite des équilibres, tant au niveau de la composition que dans leurs interprétations. La trompette et le sax vacillent, créant des atmosphères tout en précarité. On y décèle aussi le respect d’une tradition « blues », transcendée par une énergie communicative bienfaisante.

Sur « Traveller » ou « Mush Room », par contre, la référence au « hard bop de la grande époque Blue Note » est claire. Mais ces deux morceaux possèdent en plus une touche rafraîchissante de modernité qui souligne la personnalité et la spontanéité du quartet, le plaçant ainsi dans un jazz bien actuel.

Avec une belle ouverture d’esprit, Take the Duck se permet aussi de lorgner vers des rythmes sud-américains, latinos ou mexicains. « Barba Azul » ou « Juanita Kligopoulou » expriment la chaleur étouffante et moite d’une soirée d’été où l’on se hâte lentement. On y ressent l’ivresse et la fatigue sur ces thèmes qui se développent langoureusement, mais sans complaisance, pour notre plus grand plaisir.

« Not Yet », morceau imparable, réveille tout ce petit monde avec une simplicité et un swing qui touche au plus juste. Irrésistible. Les solis y sont à leur place et sont exposés avec une toute grande qualité. Idem pour « Mush Room » qui n’oublie pas quelques impros et déstructurations qui relancent à chaque fois l’intérêt. Et l’on pense ici et là à un Seamus Blake pour l’un, à un Freddie Hubbard ou Woody Shaw pour l’autre, mais aussi, et dans son ensemble, à l’esprit du quartet de William Parker. Plutôt de belles références… A aucun moment, le niveau ne faiblit et on ressent tout au long du disque la magie et le plaisir de jouer d’un groupe au mieux de sa forme.

Ce merveilleux album, enregistré en public (en Autriche), confirme la maîtrise et la qualité d’un quartet d’envergure européenne.

A découvrir sans plus tarder.