Entretien

Jean-Rémy Guédon

« Sade Songs » le disque, « Sade Songs » version théâtre, festival Grands Formats : autant de prétextes pour en savoir plus sur l’oeuvre polymorphe du leader d’Archimusic.

L’actualité du saxophoniste Jean-Rémy Guédon est chargée en ce mois de septembre. Avec le festival Grands Formats au Trabendo du 14 au 17 et la version scénique de « Sade Songs » au Kremlin-Bicêtre du 27 au 30, nous avions deux excellents prétextes pour en savoir un peu plus sur l’oeuvre polymorphe du leader d’Archimusic. Rencontre passionnée, chez lui, où il est question de politique, de littérature, de théâtre et même… de musique.

  • Quel est ton rôle dans l’association « Grands Formats » ?

J’en suis vice-président. C’est un titre un peu ronflant, mais que j’aime bien. Et puis, ça joue. Par exemple, j’ai bientôt une réunion avec des subventionneurs où Patrice Caratini, le président, ne pourra pas être présent parce qu’il a un concert - un cas de force majeure ! -, et ça rassure les subventionneurs de savoir qu’il y aura « le » vice-président… Comme toute association, celle-ci est organisée en cercles concentriques. Patrice Caratini et moi sommes les deux fondateurs. Au départ, je lui ai envoyé un mail - qu’il garde précieusement dans un coffre, d’ailleurs - pour lui demander quand on allait se bouger… Alors, depuis, nous sommes un binôme. C’est nous qui faisons mouliner les idées. Le gros avantage de cette association, c’est qu’elle est assez saine en interne. Patrice et moi avons une assez grande expérience de l’associatif, parce qu’on a tous les deux fait partie de l’UMJ. J’ai également fait partie du conseil d’administration de l’ONJ. On a eu le temps de voir ce qui est bon, et ce qui l’est moins, dans l’associatif.

« Grands Formats » est une association assez fonctionnelle dans la mesure où elle représente environ trois cents musiciens, avec dix-sept chefs d’orchestre qui prennent les décisions fondamentales. Cette organisation permet aux gens qui « consomment » l’association - je ne dis pas ça dans un sens péjoratif - de se reconnaître dans les décisions qui sont prises dans les premiers cercles. C’est un rôle qui me va bien, parce que je suis intéressé par mon milieu. Pour moi, vivre c’est s’intéresser au monde pour faire bouger les choses.

  • Depuis quand l’association existe-t-elle ?

Trois ans.

  • Est-ce la première fois qu’une telle association, qui essaie de regrouper les différents grands orchestres de jazz français, se crée ?

Oui. Il y a l’UMJ évidemment, mais qui concerne les individus. Là, ça concerne une pratique spécifique liée à la musique en « grand format ». C’est Laurent Cugny qui a trouvé ce nom. Il était dans l’association au départ, avant que ça ne se structure réellement. Il nous a fait un sacré cadeau, parce que ça commence à devenir une expression consacrée. Ce qui nous plaît bien, d’ailleurs, parce que faire école linguistiquement, ça veut dire qu’il y a du fond.

  • Comment s’est opéré le choix des formations participantes ?

De façon tout à fait empirique. On n’a pas démarché, mais on en a parlé à droite à gauche, aux potes. On n’a pas eu de mal à réunir à peu près tous les gens qui font l’actualité de cette pratique.

L’association est composée de membres qui ont entre trente et soixante ans, grosso modo. Mais on n’était pas dans une démarche consistant à se dire : « Il faut absolument qu’on ait tout le monde ». Ça s’est fait comme souvent chez les musiciens. Ce n’est apparemment pas structuré, mais ça l’est au final parce qu’on s’est posé la question de se structurer officiellement. On a commencé par des réunions de bistrot, à cinq, six ou sept, et puis ça a grandi naturellement. Des gens nous ont appelés.

Jean-Rémy Guédon © H. Collon/Vues sur Scènes

Alors - et c’est très important - on a vérifié la viabilité de leur production artistique avant de s’engager auprès d’eux. Non pas qu’on ait la science infuse, mais on veut que ça tienne la route. Dans « Grands Formats », il y a deux contraintes statutaires : pour adhérer, il faut que le projet émane d’un ou plusieurs artistes (à ce titre, l’ONJ ne peut en faire partie puisque que c’est un orchestre institutionnel, et c’est la même chose pour n’importe quel orchestre régional, départemental voire municipal) ; ensuite, il faut être en règle avec les lois sociales et embaucher des professionnels - la pratique amateure, on laisse ça à d’autres. On ne prétend pas représenter le milieu du jazz, ce qui nous pose d’ailleurs des problèmes.

On a fini par se structurer parce qu’il le fallait bien, mais on s’est beaucoup posé la question. Remuer des idées c’est bien aussi. Mais on l’a fait parce qu’on a envie que ça dure, et que ça dure après nous. On n’a pas de pré carré à défendre, parce qu’on n’a pas de pré ! On est très fragiles. Pour donner quelques chiffres, certaines formations n’ont qu’un concert cette année et dix l’année prochaine ! Personnellement, je n’ai jamais autant bossé que cette année, mais l’année prochaine ça s’annonce difficile. Il y a une fragilité liée à cela. Les critères de choix ne sont en rien stylistiques. Je pense que ça appartient au XXè siècle, les guerres stylistiques.

  • Quelles sont les principales activités « visibles » qui émanent de l’association ?

Des gens ont appelé l’association en disant qu’ils voulaient nous rejoindre parce qu’ils souhaitaient monter un big band. Mais nous ne sommes pas une caisse de mécénat ! En fait, nous nous sommes regroupés, un peu à l’instar des danseurs en 1980 (les douze chorégraphes) pour dire qu’on n’y arrivait plus. Nous ne sommes pas une agence de diffusion. Nous sommes évidemment concernés par le problème de la diffusion, parce que c’est lié à notre survie. Mais l’idée c’est de se regrouper, pour être plus nombreux à porter une parole, et avoir ainsi plus de chances d’être entendus.

Les deux choses « visibles » arrivent maintenant, au bout de trois ans : le double CD compilation vient de sortir, et le festival aura lieu du 14 au 17 septembre au Trabendo. Il y a plusieurs raisons à cela. La première c’est qu’il a fallu qu’on remue pas mal d’idées pour se structurer, être moins fragiles, moins dépendants. Un des effets pervers de l’ONJ - contre qui je n’ai rien, j’en ai même fait partie - c’est qu’il n’y a pas de politique équilibrée de la part de l’Etat pour la structuration de ce milieu.

L’ONJ capte l’essentiel des aides - tant mieux pour lui, la problématique ne doit pas se réduire à une guéguerre entre « Grands Formats » et AJON (Association pour le Jazz en Orchestre National). Mais, à notoriété égale, si on faisait du théâtre - je ne dis pas qu’il n’y a aucun problème dans le théâtre, mais comme ils sont structurés et bossent en troupes depuis longtemps, c’est plus équilibré - on aurait pour chaque orchestre trois personnes embauchées à plein temps et ce serait plus simple. C’est dramatique de constater que la quasi totalité des musiciens qui ont dirigé l’ONJ ont arrêté leur propre orchestre après : Antoine Hervé, Laurent Cugny, Denis Badault, François Jeanneau… Où sont leurs orchestres aujourd’hui ? Un des effets pervers, c’est que l’ONJ brûle les orchestres malgré lui. On a du mal à faire entendre ça - y compris auprès de certaines personnes de l’AJON qui pensent qu’on a monté une machine de guerre pour récupérer l’enveloppe… Mais le vrai problème c’est que cette enveloppe est insuffisante pour l’ensemble des gens qui font ce travail ! C’est dommage, parce que certains cherchent à personnaliser le débat en faisant porter le chapeau à Patrice Caratini parce qu’il a un sens politique et une parole parfois incisive ; or ce n’est pas comme ça que ça se passe à l’intérieur, et ce n’est pas du tout notre vision des choses.

Le milieu du jazz n’a pas les moyens dont il devrait disposer. Ce n’est pas de la parano : un grand orchestre, personne n’en veut, et les structures culturelles qui auraient les moyens de nous prendre n’ont pas la culture du grand format - ils prennentPortal ou Lockwood pour « le » concert jazz de l’année et ne voient pas ce que peut être un ensemble de jazz « grand format ». Il y a un espèce d’isolement, et des problèmes de diffusion énormes. Alors on fait de l’autoproduction avec les maigres subsides qui ont été instaurés par l’Etat en 1999 via le dispositif d’aide aux grandes formations et aux collectifs. On a commencé à être perfusés, pour certains, ce qui a permis via l’autoproduction de garder une actualité quand rien ne venait par ailleurs.

Notre premier travail de fond, mais qui n’est pas très « visible », a été de porter ce discours, de faire de la pédagogie, de l’information auprès des institutions et des sociétés civiles, à qui on a appris beaucoup de choses. Les recordmen dans « Grands Formats » font trente concerts par an. Quand on a dit ça au Centre National du Jazz et de la Variété (dont le sigle est CNV - le jazz en a donc disparu) il a répondu benoîtement : « Mais c’est le minimum pour qu’un groupe existe ». Eh oui !

Il y a eu aussi un travail auprès du ministère, jusqu’au cabinet du ministre. On est assez vite devenu des interlocuteurs, parce qu’un discours pragmatique et réfléchi, qui n’est pas en opposition, est toujours entendu. Y compris dans les hautes sphères. Mais on posait aussi des problèmes d’organisation pyramidale, parce que chacun à son monde : les diffuseurs, les institutionnels, les journalistes… Et ce qui remonte, c’est la vision de chaque sphère, alors que le « terrain » - les musiciens - était assez peu représenté. Nos remontées de terrain, c’était donc avant tout de la pédagogie. Il y avait parfois une volonté d’aider, mais de façon si pyramidal qu’on n’était pas sûr que l’argent parvienne à destination.

Tout ça a pris beaucoup, beaucoup, beaucoup de temps. Mais ça nous a quand même positionnés. On a eu peur de nous au début, parce que la parole des musiciens est peu représentée. L’UMJ fait ce travail, mais s’est recentrée sur un projet un peu artisanal. Des musiciens avec une vision politique, regroupés dans une fédération crédible, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu ça. Je ne sais même pas si on l’a vu un jour.

  • Surtout dans le jazz, il y a une tradition un peu individualiste…

Oui, parce que c’est difficile. Il faut se débrouiller seul, vendre ses services à qui veut.

  • Cela vient des musiciens, mais aussi de la vision qu’ont les institutions - et même le grand public - « du » musicien de jazz forcément solitaire. L’idée même d’orchestre (terme réservé au classique pour beaucoup de gens) de jazz ne doit pas être évidente pour tout le monde.

Oui. Et puis ça veut dire qu’il faut en plus du temps pour répéter, donc que les gens se libèrent. On a fait des réunions avec tous les subventionneurs : l’ADAMI, la SPEDIDAM, FCM, etc. On était invité dans les locaux de l’ONDA (Office National de Diffusion Artistique). On est aussi allé voir la région pour dire qu’on existait. On a été plutôt entendus.

  • Il commence donc à y avoir des retours ?

Euh… Non !

  • Ils ont écouté poliment, et puis…

Voilà ! Ce sont des politiques. Ils écoutent. « Je vous écoute, je vous ai compris ». On connaît. Donc, c’est un échec cuisant depuis trois ans parce qu’on n’a ni plus de concerts, ni plus d’argent pour fonctionner.

  • Si du côté des pouvoirs publics ce n’est pas une réussite, y a-t-il eu des tentatives du côté du mécénat privé, même si en France ce n’est pas très développé ?

Non. Si tu n’emmènes pas vingt jeunes en difficulté à l’autre bout du monde pour leur montrer ce qu’est la vie, c’est zéro, ils ne veulent pas. J’adorerais avoir des mécènes privés, être dans l’industrie. Mais, j’ai beau avoir eu quatre clefs pour mon dernier disque dans Télérama, je n’ai eu aucune proposition de concert sauf le centre culturel français de Turin. Sur le réseau du jazz en France, personne n’a appelé. Je ne fais pas de misérabilisme, mais je me sers de cet exemple pour alimenter les paroles qu’on porte dans « Grands Formats ». Ce que je dis là, d’autres peuvent le dire. J’ai assister récemment à un concert de Dr Knock ; les musiciens m’ont dit que l’année dernière ils n’avaient eu qu’un seul concert. Et ils ne sont que six ! Ils n’ont même pas l’alibi du nombre.

J’ai pourtant une timbale ! Télérama, les quatre clefs, tout le monde cherche ça. Ou l’article dans Libé. Je l’ai aussi ! Mais ça ne change rien. Ca veut dire que dans « Grands Formats » nous sommes obligés de trouver des terrains de diffusion qui ne sont pas les terrains habituels. Tout le monde sait qu’on existe, l’info circule, mais après ça ne suit pas. J’aurai fait douze concerts cette année. Comment je vis avec ça ? Dans le désordre, ce sont toutes ces problématiques, cette réalité, qui ne sont jamais montrées et qui justifient l’existence de l’association. Notre rôle - et pour ça, la compilation est un outil formidable - est de montrer la réalité musicale et la diversité de ces ensembles. Quant au festival au Trabendo, c’est une grande première. On prend un risque monstrueux. Faut être musicien pour organiser un truc pareil ! Faut être malade. On s’est associé avec Deluxe Production, et on a dans l’idée de pérenniser l’opération.

  • C’est-à-dire d’organiser un festival tous les ans à Paris ?

Oui, c’est ça.

  • Et en province ?

On y réfléchit en ce moment.

  • On a jusqu’à présent surtout parlé du côté problématique rencontré par les Grands formats ; passons à quelque chose de plus positif. Quel plaisir y a-t-il à jouer dans un orchestre fourni, par rapport à de plus petites formations ?

Les clubs - je ne joue pas beaucoup en club - où j’ai le plus joué, ce sont les Instants Chavirés d’une part et le Slow Club et la Huchette de l’autre…

  • C’est extrême !

Oui, c’est l’écartelement. C’est « ravaillaquesque » ! C’est drôle. Mais ça me plaît bien. J’en suis assez content. Mais je ne réponds pas à ta question…

En fait, il y a avant tout le son. En fait, ce sont les vases communicants. Ce que tu perds en temps d’improvisation, tu le gagnes en nature de son. Moins on est, plus ça improvise, en général ; dans les petites formations on peut éructer et envoyer nos cartes de visite aux jeunes filles. Jouer au milieu d’un orchestre, c’est une expérience que devrait faire chaque personne dans le public. Tout à coup les cuisines viennent sur le devant de la scène. Au milieu de l’orchestre, tu as des sensations incroyables. Le plancher bouge un peu parce que tu as une charley à deux mètres ! Et ça c’est quelque chose. Quand c’est un bon orchestre, tu as l’impression d’emmener un son global. On y va tous ! C’est irremplaçable.

Et puis il y a tout l’aspect « convivial » - ce terme là est devenu obligatoire, donc je ne l’aime pas. Disons que ce qui se passe dans l’orchestre, entre les musiciens, est fondamental. Le brassage des générations. Le brassage des techniques. Les bons orchestres ne sont pas faits de clones. J’ai des souvenirs extraordinaires de l’orchestre de Didier Levallet par exemple. J’avais écrit un truc pour l’IRCAM avec une cadence de sax basse ; eh bien, le saxophoniste en question, mort de rire, m’a dit qu’il s’était fait virer de son appartement à bosser mon truc ! En plus ce n’était pas du tout sa tasse de thé ! Donc, au sein d’un orchestre, on confronte nos différences. Ce sont presque des questions d’ordre social, humaniste. Elles se posent bien plus à quinze qu’à trois. Le vivre, c’est quelque chose.

Jean-Rémy Guédon © H. Collon/Vues sur Scènes
  • Et pour l’aspect chef d’orchestre et compositeur, comment cela se passe-t-il ? Tu parlais de la part d’improvisation, différente en petite formation ; qu’en est-il quand tu écris pour Archimusic ?

La problématique, c’est, effectivement, l’improvisation. Mathias Rüegg (Vienna Art Orchestra), pour cela, a un talent extraordinaire. Tous les solistes s’expriment et en même temps il y a une vraie écriture, une ossature. Ce n’est pas une formation-alibi avec une intro de vingt-cinq minutes au bouzouki, seize mesures a tutti, et après on passe au vibraphone… Je ne vise personne… Donc le problème principal est un problème de forme. Le compositeur doit avant tout avoir une intuition intérieure, se dire : « J’ai besoin de plus de son qu’un duo, un trio, un quartet ». L’orchestre est un outil. Je pense que ce que j’écris sonnera mieux avec x personnes… donc, sans me rendre compte, je vais me créer trois ou quatre emplois bénévoles : régisseur, administrateur, chargé de production, chargé de diffusion, etc. Je reviens sur l’aspect logistique, mais c’est important. Parce qu’on ne s’en rend pas compte. On se dit juste « Qu’est-ce que ça sonnerait bien ! ». Et on se retrouve avec beaucoup plus de problèmes qu’à trois, à commencer par les plannings.

Le problème de l’improvisation, chez moi, se pose de manière aiguë vu la nature de la démarche. En fait, je n’ai pas créé mon orchestre. L’origine d’Archimusic est le quartet dans lequel je jouais avec Serge Adam, Yves Rousseau et David Pouradier Duteil, et je n’avais pas de gigs. J’ai alors cherché une salle pour jouer trois fois avant d’enregistrer mon premier disque, en 1992. Comme j’ai trouvé une salle traditionnellement réservée à la musique contemporaine , j’ai un peu flippé en me disant que les gens n’étaient pas habitués. J’ai alors décidé de faire une première partie « musique contemporaine » et une deuxième jazz. Ca s’est appelé « Archimusic » parce qu’au départ, il s’agissait d’une salle dédiée à l’architecture - on était déjà dans le souci de la forme et de la conception ! C’est donc par peur qu’est né Archimusic ! Mais je me suis dis qu’en cas de rappel, il serait dommage de ne pas jouer tous ensemble ; donc j’ai écrit un petit quelquen chose. Et il y a eu un rappel. Puis deuxième concert, et un deuxième petit quelque chose. Et tout le monde s’est regardé en disant : « Waou ! Là, il y a un truc ».

  • C’est donc là que tu as assemblé le quatuor de musiciens classiques et ce quartet de jazz.

Je ne l’ai pas « assemblé », en fait ; ça s’est fait de manière totalement empirique. Il y a des musiciens classiques dont la façon de vivre au quotidien et l’engagement dans la musique me semblaient plus jazz que chez certains jazzmen. Le jazz « musique ouverte », et tous ces clichés… J’ai rencontré des classiques bien plus ouverts - dans le sens « prêts à déguster quelque chose qu’ils ne connaissent pas », comme au restaurant. On a ainsi balayé des tas de poncifs.

Bruno Rousselet © H. Collon/Vues sur Scènes

L’improvisation, pour Archimusic, a donc un caractère particulier. J’ai quatre musiciens classiques qui sont de super solistes et qu’il faut que je nourrisse. Je ne peux pas prendre un alibi classique façon Barbara Hendricks ou Jessye Norman, puis faire jouer des tenues derrière pendant que la diva s’exprime. Je ne peux pas être la diva du ténor et demander à ces gens là de m’accompagner Ils vont le faire un temps, mais très vite ça va être trop peu payé, et il n’y aura pas assez de concerts pour qu’ils continuent à s’emmerder à mes côtés. Il m’a fallu jouer avec ces contraintes-là pour développer une musique originale.

Je vérifie par là que la contrainte est facteur de liberté. Je distille l’improvisation. Il y a de vrais solos dans Archimusic, mais j’ai cherché des façons d’improviser qui soient sur des lignes, sur des climats, pour essayer de fondre l’écriture et l’improvisation. Mais ça, c’est un gros boulot d’improvisation en fait. On fait des actions pédagogiques depuis treize ans. Dans le public amateur éclairé du classique, il y a des gens pour venir se confronter à ça, mais chez les jazzmen, pas du tout. Ça ne les intéresse pas. Alors que c’est marrant d’avoir des contraintes terribles, au contraire. Solal a fait ça aussi - d’ailleurs je me suis inspiré de lui, je ne le cache pas.

  • Dans Archimusic, il y a non seulement la rencontre de musiciens classiques et de jazzmen, mais aussi l’importance du texte, des mots. Tu as collaboré avec des chanteuses, des comédiennes. C’est encore une contrainte supplémentaire pour faire sonner la musique. D’où vient cette passion du texte ? Et comment l’as-tu intégrée à ta musique ?

Quand j’étais plus jeune, on me disait : « Tu devrais faire du théâtre ». Et comme je n’ai jamais fait ce qu’on me disait de faire par goguenardise imbécile, c’est une façon de me compléter dans mon expression. Travailler avec des musiciens classiques, sans faire sensation, c’est-à-dire travailler dans les cuisines, faire des répétitions, confronter les techniques, confronter les approches, ce n’est pas spectaculaire et ça prend un temps fou. Mais j’ai constaté que ce travail donnait une aptitude à intégrer d’autres formes d’expression. Ça m’emmerde que le texte soit très à la mode actuellement, mais personnellement, je m’inspire plus d’auteurs que de musiciens pour composer. Dans le dictionnaire, la définition de la poésie parle de rythme, emploie des termes musicaux ; pour la danse aussi, on parle de rythme, de carrure. Mais pour la définition de la musique, il n’y a pas de terme musical ! On parle de l’aptitude à conduire le temps. Notre volonté de fondre nos pratiques, de rester nous-mêmes tout en coexistant au sein d’un ensemble, plus cette définition - conduire le temps - m’incitent à aller chercher ailleurs, à solliciter un danseur, inclure du texte, pour que tout cela vienne s’inféoder à ce tuteur temporel.

  • Archimusic existe depuis 1993. Quels ont été les projets successifs ?

Au début on ne fonctionnait pas par projets, mais juste selon le principe du « On va jouer ensemble ». C’est ce qui a tué Laurent Cugny d’ailleurs, qui n’a jamais voulu travailler par projets. On écrit de la musique, on a envie de la faire jouer, elle se suffit à elle-même. Il avait raison. Le premier disque est en fait une sorte de carte de visite des trucs que j’avais écrits.

Le deuxième s’appelait Parthéos. C’était une suite. C’était plus formel, et on pouvait blablater dessus. C’était basé sur les cycles d’une journée, sur la vie et la mort, etc. J’avais fait tout un espèce de montage, et c’était très bien, avec une grosse dynamique d’écriture pour les classiques et des relais d’écriture pour les jazzmen, mais en perturbant un peu tout ça. Comme les musiciens classiques n’improvisent pas, si je ne veux pas tomber dans l’anecdote, ça me demande beaucoup de travail d’écriture en amont. C’est la particularité d’Archimusic. Et puis, l’écriture se doit de rester quand même souple, pour que les jazzmen aient une place pour improviser. Donc, pour écrire un disque entier, ça m’a pris trois ans et demi. D’où la nécessité d’avoir un cadre et une forme qui soient bien pensés. Le deuxième disque était donc déjà un peu conceptuel dans la mesure où c’était une suite.

Le troisième disque a été l’hommage à Jean Arp avec Laurence Masliah. Les disques sont des bornes, c’est pour ça que je réponds à ta question de cette façon. J’ai commencé à jouer en duo avec Laurence il y a cinq-six ans. Du coup je l’ai intégrée à l’orchestre. Par bonheur, elle lit la musique, donc j’ai pu être très exigeant au niveau de l’interprétation. Par exemple, je lui donnais trente-sept secondes pour lire tout un paragraphe, avec des indications solfégiques, et il fallait qu’elle trouve le bon tempo pour arriver à la fin en même temps que les musiciens. Et elle tombait pile ! Elle avait une technique incroyable. Il n’y a pas beaucoup de comédiens qui « entendent », ce n’est pas leur spécialité. Ils sont en général trop attachés au verbe.

Ensuite, il y a eu le duo avec Elise Caron. Là, il y a une dimension en plus ! C’est une super chanteuse, une super improvisatrice, une super musicienne, une super comédienne, et elle est super indéterminée ! Et comme je suis autant indéterminé qu’elle… Quand on s’est rencontrés, au premier duo, elle avait peur que je prenne le crachoir, que je fasse de la démonstration de saxophone. Elle m’avait un peu mis en garde contre ça. Elle avait peur du « jazzman ». Et on s’est retrouvés à faire une heure et demie de concert sans rien avoir préparé, avec juste quelques textes prétextes, et ça a fonctionné à merveille. J’aime bien étirer les choses. On a fait ensemble des concerts totalement improvisés, et maintenant on bosse sur Sade Songs, qui est beaucoup plus écrit, où on a juste un solo conjoint sur un morceau, mais c’est plutôt anecdotique. Je crois qu’il faut être extrême, sinon on n’est pas vivant.

  • Puisqu’on en vient à Sade Songs, pourquoi le Divin Marquis ?

J’étais au Moulin d’Andé, un centre culturel de rencontres où j’écris beaucoup, sur la Seine, à côté de Rouen. C’est une sorte d’idéal de vie. J’ai beaucoup écrit là-bas, parce que tu as juste un repas à 13h et un repas à 20h. Ce sont les deux seules contraintes de ta journée. Le reste du temps tu peux travailler comme tu veux. Au repas tu rencontres des gens, des écrivains, des musiciens, tout le monde mange ensemble. Là, il y avait un atelier d’écriture de scénario. J’y ai entendu parler de Sade chez Primo Levi, chez Jorge Semprun, et je ne voyais pas le rapport ! (Je n’ai pas fait d’études littéraires, j’ai arrêté le lycée en première, je me suis cassé le petit doigt c’était beaucoup trop dangereux ! Il fallait que je sauve ma peau… Donc pas de philo.) Et à quarante ans j’ai commencé à lire les classiques. Au Moulin, j’ai revu Salo ou les 120 journées de Sodome de Pasolini. À l’époque de sa sortie, le but c’était de « tenir ». On disait : « Je l’ai vu, j’ai tenu ! ». C’était le seul intérêt. J’étais trop jeune, j’avais dix-huit ans. Et quand je l’ai revu, ça m’a mis une claque. Ça m’a beaucoup interrogé sur ce monde-là. Et du coup j’ai commencé à lire Sade. J’ai un joker dans ma famille : un frère médecin très littéraire. Il m’a conseillé.

Mais attention, je ne suis pas « sadolâtre ». Ce qui m’a fait flasher sur lui, c’est qu’il va jusqu’au bout. Ça rejoint le côté extrême, quasi galiléen - « Et pourtant elle tourne ». Condamnez-moi à mort, d’accord, mais elle tourne. Il y a de la beauté là-dedans. Une beauté irréductible. Si tu n’abordes Sade que sous un seul angle, tu le réduis et tu n’appréhendes pas bien le personnage. La lecture de Sade ne m’a jamais excité, pourtant les descriptions sont plus que crues. Il y a le philosophe, l’érotomane, mais aussi sa vie à travers ses lettres. Et dans ses lettres, on voit un type qui va à fond. Il a une pensée qui se déroule lentement, péniblement. Il est chiant à lire ! Juliette c’est deux fois Guerre et Paix ! C’est chiant. Tu as envie de lui dire « mais oui, je sais », mais non, il y revient tout le temps. Sauf qu’il a une écriture - et pour moi c’est le mec qui a été le plus loin là-dedans - qui dégouline de lui-même. Il n’y a pas de frontière entre la tête et le corps. Son écriture est le fruit d’une espèce de « reality one-man-show » de ce qu’il vit. Ce qui explique ses redites. Il écrit comme il vit. Tu as une scène de cul qui arrive et tu te demandes ce que ça vient foutre là, mais c’est juste qu’à ce moment là, il avait une pulsion. Et ça, c’est une espèce de présent infini, de léguer un truc pareil. Et puis il y a un questionnement permanent. Sade a toujours le doute. Et je trouve que c’est très sain et très vivant de toujours se poser des questions. Dans ce domaine, on ne peut pas mieux faire que Sade.

  • Comment as-tu choisis les textes que tu as mis en musique ? Il y a beaucoup de textes du Sade philosophe - avec juste un extrait des « Supplices ».

Je n’ai proposé qu’une vision du personnage. Je n’ai aucune mission. Sade, j’en ai fait un prétexte. Et ça, c’est très jazz ! J’ai vu très vite que si je me situais sur le terrain de la provocation, le côté « gore » de Sade, je resterais en-dessous de la réalité du personnage. Je m’emprisonnerais.

  • Un succès « branché » pour le côté provoc’, mais qui n’irait pas plus loin…

Exactement. Je n’ai jamais eu d’admiration pour Sade. Je ne me reconnais pas du tout en lui. Il n’y a aucune identification. Mais j’ai été très touché par ses lettres. Et puis, le choix des textes s’est fait aussi par la résonance du questionnement. Je prenais les passages que j’avais le plus cochés, gribouillés, biffés. Tout ce qu’on dit de ne pas faire ! J’aime bien désacraliser les livres. Le choix était très improvisé. Je suis donc tombé dans la Philosophie, et quelques lettres. Le morceau intitulé « L’ouie », c’est le préambule des Cent vingt journées de Sodome. Je l’ai récupéré en fichier texte et lancé une recherche sur la terminologie musicale. Rien, c’est une langue muette. Tous les écrivains utilisent la terminologie musicale, mais chez lui, rien. Sauf dans ce préambule justement. Il explique que les quatre libertins vont se faire raconter les plus grands écarts parce que l’oreille est un sens dont il ne faut pas se priver « pour les faire bouillir ». C’est un des plus beaux hommages au sens de l’ouie que j’aei trouvé.

  • Le texte de « L’ouie » est assez extraordinaire. Je trouve qu’il y a là une grande justesse qui tranche avec l’aspect provocateur qu’on peut connaître de Sade. Ce qui nous conduit à écouter encore plus attentivement le texte. Et le plaisir qu’on prend à écouter attentivement est justement celui dont il est question dans le texte. C’est très fort !

C’est typiquement sadien ! Quand tu fréquentes ce personnage, les mots qu’on dit, les mots qu’on entend commencent à prendre tout le temps un double sens. Les mots s’incarnent. Ça devient physique ! Tu entends plus large. C’est quand même fou. C’est vrai que personne ne l’a lu, parce que c’est chiant aussi, pas uniquement parce que c’est provoquant. L’année dernière, il y a eu une exposition sur le XVIIIè siècle à la BNF où ils n’ont pas inclus Sade ! Il n’est pas encore sorti de sa taule. Il dérange encore parce qu’il secoue les parties les plus sombres de l’accointance entre notre cerveau et notre corps. C’est drôlement dérangeant, mais bien au-delà de l’apparence, comme souvent. J’ai eu très modestement envie de lui rendre hommage. Quelques personnes m’ont dit que ça leur avait donné envie de le lire ; je les plains, mais ça m’a fait plaisir. Le choix des textes s’est fait par le ressenti, pas pour la musicalité. Par la façon dont ça me remuait. Je me disais : c’est dommage qu’on ne voie pas ça, parce qu’il faut se taper la lecture de tout le reste. Là, on a un génie. Comme je l’ai écrit - et d’ailleurs on m’a piqué l’expression, tant mieux - c’est le « soleil noir du Siècle des Lumières ». C’est un soleil quand même.

  • Une fois les textes choisis, quelle a été ta démarche musicale ? Certains éléments t’ont-ils été inspirés par les textes en eux-mêmes ? On a le sentiment qu’il y a un côté cabaret qui peut faire penser au Sade libertin, mais en même temps, la profondeur des arrangements nous entraîne plus loin.

Tu as répondu toi-même à la question ! Comment veux-tu que je sois assez manichéen, ou intelligent, ou calculateur pour penser à ça ? Je n’en sais rien. J’étais très emmerdé. Le sujet je l’avais, parce que ce type m’a profondément remué. Mais je me suis mis un été devant les textes et le clavier - et puis rien. Ça n’allait pas. J’ai commencé à travailler, mais impossible d’écrire une note sur ces mots-là. Et puis j’ai écrit quelques pazssages orchestraux, et à un moment c’est parti. La seule réponse que je peux te faire, c’est celle de l’importance du temps passé « dans le bain » avant de commencer. Il me faut une période de gestation pendant laquelle mes neurones travaillent inconsciemment avec tous les éléments que je leur donne. Pour moi c’est un truc fondamental. Elle est peut-être là, la réponse.

Là où je me suis bien régalé, c’est pour l’aspect chanté. J’ai écrit les chansons, et je les ai soumises à Elise Caron, qui est venue les chanter chez moi toutes les semaines pendant deux mois. On a fait des essais. Elle m’a énormément apporté. On a changé des choses. J’aménageais en fonction de ses critiques. Ensuite j’ai orchestré. Quand on a le tuteur, l’orchestration est facilitée. Je pense par exemple à un chromatisme des « Lettres d’étrennes » où il est dit « Dis moi ce que c’est que l’air » et où je fais un solo. C’est une facétie que je m’offre quand j’écris. J’ai une vision très imagée de la musique. Stravinski disait que la musique se voit. Il y a des petits jeux. Mais pour la création du tuteur au départ, ça reste un peu mystérieux. C’est surtout une question de temps avant de commencer.

Elise Caron © H. Collon/Vues sur Scènes
  • Une version théâtrale de « Sade Songs » sera représentée du 27 au 30 septembre 2006 au Centre culturel André Malraux du Kremlin-Bicêtre. Pourquoi cette envie d’une illustration théâtrale ?

C’est mon envie ! J’ai trouvé le sujet tellement spectaculaire que ça aurait été dommage de ne pas le faire. Et ça, je l’ai pensé dès le début. On a d’abord fait des concerts, chaque chose en son temps, mais le second étage de la fusée était présent dès le départ. Je reviens à « tu devrais faire du théâtre » ; je me suis dit que le sujet ne devrait pas laisser les théâtreux insensibles. Qu’est-ce que je n’avais pas fait ! Quelle galère !… J’aurais mieux fait de me taire. Les gens de théâtre prennent beaucoup de musiciens, mais l’inverse ne leur paraît par normal. Ça ne se fait pas ! Mais je l’ai quand même fait.

J’ai trouvé un alter ego en la personne de Jean Lambert-Wild, le metteur en scène, qui m’a été conseillé par Didier Levallet. En fait, on a créé la version concert au Château de Saumane, qui appartenait à l’oncle de Sade - l’abbé Jean-François de Sade - et où il a vécu de cinq à dix ans. Ça m’a profondément ému de créer ça là-bas. Un beau hasard, parce que ce n’était pas voulu. A cette occasion, Didier Levallet est venu et je lui ai parlé de cette version théâtrale. Il était emballé et d’accord pour m’aider. J’ai cherché un metteur en scène, je suis allé voir des gens assez connus, mais rien ne me plaisait. Je trouvais ça convenu. Didier m’a dit qu’il connaissait en région un artiste associé à la scène nationale de Belfort, Le Granit. Un jeune un peu halluciné, un peu allumé. Mais de la région, ce qui est encore mieux, parce que la création théâtrale peut se faire chez Didier, à Montbéliard. J’ai fait des recherches sur Jean Lambert-Wild sur le Net, lu des interviews, et senti que c’était lui qu’il me fallait. Je l’ai appelé, et au bout de trois phrases on savait qu’on allait bosser ensemble. On s’est engagés avant même qu’il n’écoute la musique, et moi avant d’avoir vu ses pièces. Il est ensuite venu à l’Atelier du Plateau, à Paris, où on faisait trois jours de concerts, et il a monté quelque chose avec Stéphane Blanquet, l’illustrateur du disque, pour créer un théâtre d’ombres chinoises.

Nous, on est sur scène, sur les côtés, déguisés en bestioles, et Elise Caron a un rôle de comédienne. Ils ont conçu une fable avec des décors. On a fait des essais à la MC93 de Bobigny avec un régisseur lumières, Stéphane, Jean et moi, et c’est parti dans une espèce de fable totalement onirique, dont les chansons sont le socle. Jean connaît vraiment la musique et la respecte. Et le théâtre, sans s’en rendre compte, sans méchanceté, lui marche trop souvent sur les pieds. On a donc fait une résidence de création à Montbéliard. Ça a été un enfer structurel à monter. Mais au moins, je pense que c’est du jamais vu. Un OVNI artistique. Je ne dis même pas que c’est bien, j’en parle assez simplement parce que les chansons leur ont servi de prétexte. Dans le montage, Jean avait des « problématiques de tempo », comme il disait, qui n’étaient pas les mêmes que dans la musique. On a donc été obligés d’inverser certaines choses. Par ailleurs, il y a toute une histoire muette qui est racontée à travers les chansons et le jeu d’Elise, avec un peu un côté Murnau. Et un comédien qui joue la bête de compagnie d’Elise.

Jean Lambert-Wild s’efface. On ne voit pas sa mise en scène. On voit le décor avec les dessins de Stéphane Blanquet, la musique, Elise, sa voix, mais pas la mise en scène. C’est invisible, mais c’est Jean qui a tout pensé ! C’est une bonne mise en scène, parce qu’elle ne se voit pas. Mais ça a été la croix et la banière pour qu’on rejoue ça à Paris. Ce n’est pourtant pas très coûteux, mais ce n’est pas dans les habitudes. Je me suis battu trois mois et demi pour que ce soit donné au moins à Paris. Et, coup de chance, Jean Lambert-Wild a postulé à la direction de la Comédie de Caen, et donc on va le redonner là-bas cinq jours en 2008.