Chronique

Harry Miller’s Isipingo

Which Way Now

Nick Evans (tb), Mongezi Feza (tp), Harry Miller (b), Louis Moholo (d), Mike Osborne (as), Keith Tippett (p)

Label / Distribution : Cuneiform Records/Orkhêstra

Le label américain Cuneiform fait un travail remarquable sur le jazz anglais de la fin des années 60 aux années 70. Après le Brotherhood of Breath de Chris McGregor, c’est à un autre groupe anglo-sud africain qu’il s’intéresse : l’Isipingo de Harry Miller, où l’on retrouve Mongezi Feza et Louis Moholo. Comme à son habitude, le label soigne son produit, avec notamment de copieuses notes de pochette de Francisco Martinelli.

Which Way Now est l’enregistrement d’un concert allemand de 1975. Il vient compléter l’unique album studio du groupe, enregistré quelques années plus tard avec un personnel différent. Les quatre morceaux démontrent la qualité de l’écriture et de la direction d’orchestre de Miller. Seules ombres au tableau : la qualité sonore moyenne et un certain systématisme au niveau du déroulement des solos, couplé à la longueur des morceaux (autour de 20 minutes chacun), créent un sentiment de monotonie. Pourtant, les moments réjouissants ne manquent pas.

Trois des compositions sont de joyeux thèmes de fanfare sud-africaine qui exploitent la richesse timbrale et orchestrale du sextet sans trop en faire. Si la forme de chaque morceau est toujours rigoureusement respectée, ce n’est que pour mieux mettre en évidence leur part de liberté, collective ou individuelle.

Keith Tippett, loin des pianistes de jazz traditionnels, est un magnifique coloriste, tandis que Feza mêle avec insolence lignes proprettes et éclaboussures. Nick Evans et Mike Osborne déploient des styles plus directs. Tout au long de « Family Affair », la section rythmique épaissit la masse sonore en rentrant et sortant du tempo, puis l’affine avec un swing affûté. En toute fin d’album, la flexibilité du groupe est pleinement exploitée : le rapide morceau-titre s’interrompt abruptement pour céder la place à un étonnant passage très sombre et hanté par des sons lointains, avant que le thème ne soit repris dans un esprit proche de la musique de chambre. Un moment très différent du reste de l’album, une belle surprise nichée là où on ne l’attendait plus.