Chronique

Jean-Charles Richard

Faces

Jean-Charles Richard (ss, bs) et Dave Liebman (dm).

Label / Distribution : Herrade

Les skippers envoient toute la toile, les beaux bateaux fendent l’Atlantique, et la flotte file vers le Rhum. Jean-Charles Richard remplace le winch et la barre par le soprano et le baryton, les cartes marines par des partitions et les nœuds par les notes, mais il a la même passion pour le souffle, le même attrait pour le risque, le temps, la trajectoire et, surtout, la même fascination pour le solo….

La photo de Jean-Michel Régent qui orne la pochette de Faces est particulièrement élégante : les mains semblent inviter le soprano à venir « rouler » comme la balle d’un jongleur… Sujet qui rappelle que Richard a joué avec Jérôme Thomas, artiste-jongleur des plus connus. (Le saxophoniste a également été remarqué en duo avec Claudia Solal ou dans le trio de Jean-François Baez.

Faces est dédié à Steve Lacy, mais les propos du saxophoniste s’inscrivent peut-être davantage dans la lignée de ceux de Michel Portal, Louis Sclavis ou Dave Liebman (conseiller artistique du disque). C’est-à-dire un jazz - ou une musique improvisée ? - marqué par la musique contemporaine.

L’album est constitué de quatorze morceaux, dont neuf compositions personnelles. Liebman signe et accompagne à la batterie un hommage à Elvin Jones en trois mouvements. Richard joue également « El niño » de son complice Baez, et une « Réflexion sur le langage d’Olivier Messiaen » d’Alain Margoni.

« Il possède presque plus de technique qu’il n’en faut et un son à la fois beau et puissant » écrit Liebman dans les notes du disque. Cette remarque est pertinente quand Richard joue du soprano ou du baryton. D’ailleurs l’utilisation judicieuse du « re-recording » lui permet de jouer à deux voix ou d’accompagner les développements du soprano par le baryton ou des percussions. Il fait preuve d’un jeu rythmé et varié, avec une grande aisance dans les sauts d’intervalles, le placement des silences et les nuances sonores. Même dans les passages plus « free », il ne déchiquette pas les mélodies et on sent le souci de construire à partir d’une déconstruction logique. Pas étonnant que l’artiste ait intitulé l’un des morceaux « Georges Perec »…

Le solo reste un exercice éminemment délicat, surtout quand l’instrument est monodique. Le musicien ne peut compter que sur lui-même pour se maintenir en équilibre sur la corde raide, et l’auditeur doit retenir son souffle jusqu’au bout pour apprécier la performance de l’équilibriste.

Avec Faces, Jean-Charles Richard montre qu’il est un musicien habile à ce jeu et la performance en vaut l’écoute…