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Edition du 15 avril 2024 // Citizenjazz.com / ISSN 2102-5487

Les dépêches

« Léo Ferré : Poète, vos papiers ! »

Communiqué :

Yves ROUSSEAU : « Léo Ferré : Poète, vos papiers ! »

1. Léo Ferré [1]

Léo Ferré est un artiste célèbre, paradoxalement son œuvre demeure assez mal connue. De Ferré on connaît l’auteur à succès de quelques chansons très populaires, Le Piano du Pauvre, Paris Canaille, Jolie Môme, Paname, C’est extra ou Avec le temps, on se souvient éventuellement, sans en prendre l’exacte mesure, de son travail de mise en musique des poètes (Apollinaire, Baudelaire, Aragon, Verlaine, Rimbaud…), on garde le souvenir réducteur d’un personnage solitaire et hargneux plaidant en faveur de la révolte permanente et de l’anarchie et l’on considère généralement comme incongrues ou déplacées ses incursions dans le domaine de la musique symphonique.

Longtemps, avec Mathieu Ferré, nous avons rêvé de réaliser un spectacle qui aurait permis d’éclairer avec plus de précision l’étendue d’un répertoire et la richesse d’une œuvre dont le rayonnement s’étend bien au-delà des frontières convenues de la « Chanson Française ». Des artistes ont été sollicités, à commencer par tous ceux qui un jour ont prétendu être plus que de grands admirateurs : ses enfants spirituels… Tous se sont finalement « désistés »… Quelques-uns, plus modestes et moins médiatisés ont consacré ça et là des albums entiers aux chansons de Ferré, sans jamais dépasser le stade de la « compilation » de titres déjà très fréquentés… et l’on ne compte plus les versions de Avec le temps qui ne font que renforcer l’idée trompeuse d’un Ferré auteur miraculeux d’une seule chanson.

Nous avons alors compris qu’il ne servait à rien de courtiser ou de flatter tel ou telle et qu’un projet consistant ne pourrait émaner que d’un artiste déterminé et désireux d’affirmer un véritable point de vueartistique. Nous en étions là, prostrés dans le corridor du renoncement… quand Yves Rousseau est venu mettre fin à notre accablement…

2. Yves Rousseau

Yves Rousseau, j’observe son travail depuis des années, je devine sa rigueur, je constate la pertinence de ses projets, j’admire la cohésion et la pérennité de son quartet… Je suis très sensible à son univers musical, savant dosage de musique écrite et de musique improvisée. En 2003 j’ai eu l’opportunité de le rencontrer, de le fréquenter jusqu’à l’aboutissement en 2005 de « Sarsara », second album de son quartet. Sa suite « Aguirre », inspirée par le film de Werner Herzog, est un modèle d’équilibre et d’illustration évocatrice…

Aussi quand il m’a téléphoné immédiatement après avoir visionné le DVD et écouté le CD « Léo Ferré Sur la scène » pour me dire : « Et dire que je croyais connaître Léo Ferré » puis « Ferré, sur scène, on dirait Coltrane » et enfin « J’ai envie de faire quelque chose avec Ferré, crois-tu que cela soit
possible ? ». J’ai compris que nous avions enfin trouvé l’artiste avec lequel il allait être possible d’aboutir un projet original et consistant.

3. Poète, vos papiers !

Poète, vos papiers ! est le premier des deux recueils de poèmes assemblé par Léo Ferré. Le second « Testament Phonographe » publié en 1980 regroupe 144 textes pour la plupart mis en musique et chantés. Edité fin 1956, « Poète, vos papiers ! » proposait des textes qui ne semblaient pas destinés à la
« chanson ». Au moment de sa publication, sur les 77 textes qui constituent le recueil, 3* font l’objet d’un enregistrement officiel, 3** d’enregistrements inédits, 2*** autres devenant des chansons à l’occasion de la publication du livre. Pour cette unique raison, plusieurs grands éditeurs refusèrent de publier un manuscrit qui n’intégrait aucun texte de chansons faisant la renommée de leur auteur. Léo Ferré serait-il d’un côté un auteur de chansons populaires et de l’autre un poète élitiste ? Douze ans plus tard, Ferré, sans doute stimulé par l’arrivée d’un nouvel auditoire rajeuni et plus réceptif, apportera une première réponse en chantant une quinzaine de titres de son recueil, dont certains ° sont encore aujourd’hui considérés parmi ses plus grandes « chansons ».

A partir de 1980, Léo Ferré travaillera à un nouveau projet de mises
en musique de 23 poèmes. Le premier °° sera réalisé sur l’album Ludwig-L’imaginaire-Le bateau ivre et quatre autres °° figurent sur l’album On n’est pas sérieux quand on a 17 ans, les suivants ne seront jamais enregistrés y compris les trois que chantaient Léo Ferré lors de son ultime récital °°°. Au final ce sont au moins 55 titres, qui étaient destinés à la « chanson ». Il nous a semblé intéressant de poursuivre le travail de mise en musique entrepris par Léo Ferré qui nous rappelle dans Préface que : « … Toute poésie destinée à n’être que lue et enfermée dans sa typographie n’est pas finie Elle ne prend son sexe qu’avec la corde vocale tout comme le violon prend le sien avec l’archet qui le touche ».

* L’amour / La grande vie / Ma vieille branche

  • * L’opéra du ciel / Paris / La femme adultère
  • ** L’été s’en fout / Les copains d’la neuille
    ° Poètes, vos papiers ! / Préface / A toi / Le testament / Les passantes / Le crachat…
    °° La sorgue
    °°° Le faux poète / Les morts qui vivent / Le sommeil du juste / Visa pour l’Amérique
    °°°° Récréation / L’homme lyrique / Monsieur le poète untel

Avec : Jeanne Added et Claudia Solal (voix) - Yves Rousseau (contrebasse) - Christophe Marguet (batterie) - Régis Huby (violon) - Jean-Marc Larche (saxophone)
Création a la Bergerie a Nangis (77) les vendredi 23 et samedi 24 mars 2007 a 20h30

Extrait :

L’enfance, la musique, les autres et Ferré…

Jolie Môme, C’est extra, Rotterdam, La The Nana ou encore Avec le Temps ont constitué dans les années soixante-dix, aux côtés de Bach, Beethoven, Armstrong ou Django, les fondements de ma culture musicale. Alors qu’inconsciemment je m’imprégnais de ces chants devenus les « tubes » que l’on sait, je n’avais de Léo Ferré que l’image d’un « fort en gueule », revendicateur écorché au visage de Merlin désenchanté. Avec les années, j’ai pris conscience de n’avoir eu accès qu’à la partie émergée de l’iceberg, au Ferré plus souvent caricaturé que décrit. J’ignorais tout des nombreux talents de cet artiste multiple. Je suis aujourd’hui intimement persuadé que le projet scénique et discographique dont il est question ici est un écho de cette époque, lorsqu’enfant je découvrais ce Robinson échoué sur l’île de la chanson française. Je puis dire que, tout comme je me suis construit à l’architecture de Bach ou au swing de Louis Armstrong, j’ai grandi au « son » de la voix de Léo Ferré.

La rencontre, Ferré est un « autre »
Au cours de l‘année 2004 j’ai finalement rencontré un autre Léo Ferré par le biais du Dvd et du Double CD Sur la Scène rassemblant des extraits de concerts captés lors de la tournée 72-73 et commercialisé quelque 30 ans plus tard. Ferré se produisait alors avec Paul Castanier, fidèle compagnon devenu au fil des ans son alter ego - précision que je donne à dessein tant l’osmose qui existe à cette époque entre le chanteur et son pianiste est sidérante. J’ai découvert à cette occasion quels étaient les thèmes de prédilection pour le moins récurrents chez l’homme et l’artiste ainsi que quelques grands textes lyriques dont j’avais ignoré jusque-là l’existence ; parmi eux je citerai pour exemple « Les Amants Tristes » qui est digne de la plume de Baudelaire, Apollinaire ou Rimbaud, ou encore « La Mélancolie », sorte de Round Midnight …

De Ferré à Coltrane… il n’y a qu’un pas (?)
Moi qui fus très impressionné, comme tant d’autres, par la puissance et l’énergie des grands solistes qui ont fait l’histoire du jazz, j’avoue avoir été totalement bouleversé à la découverte de ces images d’un artiste aussi
investi et aussi habité, tant par le texte que par la musique… J’ai vu John Coltrane en lieu et place de Ferré ! Coltrane esquissant le thème d’Afro Blue, de My Favorite Things ou de Naïma, transformant peu à peu le dessin d’une mélodie en une toile de peintre visionnaire obsédé par la multiplicité des couleurs… Préface, A Toi ou Ni Dieu ni Maître devenaient autant d’oeuvres ayant en elles la même puissance d’évocation que ces citadelles de la musique afro-américaine. Je retrouvais dans l’engagement de Ferré la même urgence, le même chant intérieur à rapprocher parfois de la transe. Le timbre et la justesse de la voix de Ferré, la beauté de ses choix mélodiques alliée à la celle de sa poésie m’ont ému jusqu’au plus intime… J’ai tout autant été fasciné par le compositeur que par le poète, comme par le courage de l’artiste très tôt débarrassé de tout carcan esthétique et de toute contrainte formelle… Ferré grognait, s’emportait, choquait… sait-on à quel point il doutait ? Une seule certitude : il travaillait sans relâche… J’imagine que son amertume fut grande à constater qu’on ne lui reconnaissait pas de véritable statut de compositeur, alors qu’il avait pour le moins, un sens aigu du maniement de la masse orchestrale…

Quel orchestre, quelle instrumentation ?
Fin 1999 naissait Fées & Gestes, projet pour lequel je fis appel à Jean-Marc Larché aux saxophones, à Régis Huby au violon et à Christophe Marguet à la batterie. En février 2001 nous publiions un premier album au titre éponyme, puis un second en 2005 intitulé Sarsara nous donnant l’occasion de rebaptiser le quartet du même nom et d’intégrer le label Le Chant du Monde/Harmonia Mundi. C’est avec cette formation que j’ai imaginé ce travail autour de Léo Ferré et de son recueil Poète, Vos Papiers !. Les acquis du quartet, sur disque comme sur scène – une centaine de concerts depuis les débuts de l’aventure -, le bonheur de partager notre art collectivement et nos convergences de vue s’agissant de l’esthétique du groupe le rendent indispensable à mes yeux pour mener à terme un projet d’une telle importance…

Au quartet j’ai souhaité adjoindre deux voix qui comptent parmi les plus belles et les plus novatrices dans l’univers des musiques improvisées : celles de Claudia Solal et de Jeanne Added. Poète, Vos Papiers ! est à la fois conçu comme un programme de concert et d’album. Il proposera 24 textes parmi les plus emblématiques dans l’écriture du poète. Certains de ces textes ont été mis en musique et enregistrés par Ferré, essaimés çà et là sur différents albums. D’autres, mis en musique par Ferré n’ont, pour des raisons très diverses, jamais été gravés ; nous découvrirons donc « ensemble » ces « nouvelles » chansons de Léo Ferré arrangées pour la circonstance. D’autres textes, enfin, n’ont jamais été mis en musique et le seront pour cette occasion.

Poète, Vos Papiers ! est donc un projet tout à fait inédit : ce n’est ni un projet spécifiquement « chanson », ni un projet spécifiquement « jazz », mais un savant dosage des deux, un voyage musical et poétique proposé par une formation dont le « son » est inédit dans le paysage de la musique européenne d’aujourd’hui. Poète, Vos Papiers ! pourrait être la lettre que je n’ai jamais écrite à Ferré… Ferré l’unique… Ferré poète capable d’écrire pour un orchestre symphonique… Ferré chanteur… Ferré compositeur de mélodies qui ont fait le tour du monde… Comme la signature de mon profond respect à celui dont le génie aura abondamment nourri mon imaginaire…

(Yves Rousseau, décembre 2005)


Rencontres avec le public entre Mathieu Ferré et Alain Raemackers

  • le mercredi 13 à 18h à la médiathèque : « Léo Ferré L’homme Public / L’homme privé / L’homme secret »
  • le jeudi 14 de 15h à 17h : au lycée : « Ferré Compositeur : du Rêve à la réalité / de la réalité au Rêve. »
  • le jeudi 15 à 20h30 à la Bergerie : « Ferré Compositeur : du Rêve à la réalité / de la réalité au Rêve. »

EN PRATIQUE :

de Paris : 60 km
de Melun : 26 km
de Provins : 20 km
de Fontainebleau : 35 km

Bus : ligne régulière en direction de Melun, Provins, Montereau (aller-retour)

Route : RN 19, RN 4, A 5 (sortie Forges ou Châtillon la Borde)

Rail : 50 minutes de Paris par la gare de l’Est (ligne Paris-Bâle)
Horaires Paris Est : 18h14 /Nangis 19h04 ou 19h28-20h15

PRECISION IMPORTANTE : nous organiserons le retour sur Paris des courageux qui viendront en train (dès lors qu’ils nous auront prévenus à l’avance !!!=⇒ 01-34-12-47-63 OU 06-16-89-64-69)




Nangis…
C’est avec cette ville de 7800 habitants dotée d’infrastructures culturelles
exceptionnelles pour une commune de cette taille qu’une collaboration est
née en 2003 sous la forme d’une résidence d’artiste. Le cas est suffisamment peu fréquent pour être souligné : je veux dire ici à quel point il est devenu rare qu’une collectivité locale s’implique avec autant de foi dans un accompagnement basé non pas sur une hypothétique résonance
médiatique plus ou moins immédiate, mais sur un véritable travail de
diffusion et de sensibilisation sur le long terme. Nangis, tournée vers l’avenir,
a fait le choix de l’audace… Une des principales caractéristiques de cette forme de présence « sur le terrain » est une présentation régulière au public du travail de l’artiste résident : Nangis verra donc naître le spectacle « Poète, vos papiers ».

(Yves Rousseau)

[1Léo FERRÉ : Biographie établie par © Alain Raemackers

Léo Ferré naît à Monaco le 24 août 1916. A l’âge de sept ans, il intègre la Chorale de la Maîtrise de la Cathédrale de Monaco, il est alors soprano. Il apprend le solfège et l’harmonie et découvre la polyphonie au contact des
œuvres de Palestrina et de Victoria. En 1925 il devient, pour huit longues années, pensionnaire du collège Saint-Charles de Bordighera, « tenu » par les frères des écoles chrétiennes, il y fera le dur apprentissage de la solitude et de l’oppression. Il se réfugie dans la musique. A 14 ans il compose le Kyrie d’une Messe à trois voix. Bachelier, il se rend en 1935 à Paris pour effectuer des études de droit, il peaufine alors son apprentissage du piano en complet autodidacte. Fort d’un diplôme de Sciences Politiques il revient à Monaco en 1939 avant d’être mobilisé. Sa vocation de compositeur va s’affirmer après sa démobilisation. En 1940, il compose à l’occasion d’un mariage, un Ave Maria pour orgue et violoncelle et débute la mise en musique de chansons écrites par une amie. C’est avec ce répertoire qu’il se produit pour la première fois en public le 26 février 1941, au Théâtre des Beaux-Arts de Monte-Carlo, sous le nom de Forlane.

Ses premiers textes personnels datent sans doute de l’année 1941. En 1943 René Baer lui confie des textes qui deviendront plus tard des succès incontestables La chanson du scaphandrier, La chambre. En 1945 alors qu’il est « fermier » et occasionnellement « homme à tout faire » chez RMC, Léo Ferré rencontre Edith Piaf qui l’encourage à tenter sa chance à Paris. A la fin de l’été 1946 il s’y rend et obtient en novembre un engagement de trois mois au cabaret Le Boeuf sur le Toit. Pendant 8 ans, Léo Ferré devra se contenter d’engagements aléatoires et épisodiques dans les caves à chansons de la capitale. C’est dans ce contexte qu’il finit par se faire une réputation, parvenant, non sans peine, à placer quelques titres chez les interprètes de l’époque : Edith Piaf, Renée Lebas, Yvette Giraud, Henri Salvador, Les Frères Jacques. Il signe son premier contrat discographique en juin 1950 avec Le Chant du Monde.

Il lui faudra patienter jusqu’en 1952 avant de connaître un premier succès via l’enregistrement de Paris canaille par Catherine Sauvage. Léo Ferré met à profit cette bouffée d’oxygène pour composer l’oratorio La Chanson du Mal-Aimé sur un poème de Guillaume Apollinaire. En 1953 il signe pour cinq ans avec le label Odéon. Dès lors sa renommée ira grandissant facilitée par un récital à l’Olympia en mars 1955 et à Bobino en janvier 1958. En 1956, les surréalistes Benjamin Perret et André Breton, saluent ses talents de poète. André Breton, qui entretiendra une amitié suivie avec Ferré refusera cependant de rédiger la préface du recueil Poète…vos papiers ! sur le point d’être publié. A partir de cette date Ferré écrit beaucoup, non seulement des chansons mais également le texte d’un ballet/oratorio La nuit et son roman autobiographique Benoît Misère. L’année suivante, afin de célébrer le centenaire de la publication des Fleurs du Mal, il consacre un album complet à Charles Baudelaire. En juin, il enregistre enfin "La Chanson
du Mal-Aimé" de Guillaume Apollinaire.

Ces deux réalisations marquent le début d’un travail intensif de mise en musique de sespoètes de prédilection : Aragon 58/61 Verlaine 59/64 Rimbaud 63/64 qui l’amènera à consacrer un récital entier aux poètes en 1966. En 1977 Léo Ferré travaillera de nouveau sur une série de Fleurs du Mal puis sur une nouvelle série de poèmes d’Apollinaire et de Rimbaud. En 1986 il consacrera une nouvelle tournée aux poètes qui sera filmée et publiée en DVD. Sous contrat avec Barclay, Léo Ferré réalisera pratiquement chaque année de 1961 à 1974 un album dont les arrangements seront confiés jusqu’en 1970 à Jean-Michel Defaye. On le retrouvera en outre à l’affiche des plus grandes salles parisiennes pour des périodes allant de 2 à 6 semaines, Alhambra, Villa D’Este, Bobino, Mutualité, Olympia. On le voit peu à la télévision, où il se rend toujours avec beaucoup de méfiance, sauf chez Denise Glazer qui l’invitera régulièrement pour Discorama (1961, 1965, 1967, 1974).

C’est à partir de l’été 68 que Ferré se replonge dans la mise en musique de poèmes extraits de Poète, vos papiers !… L’été suivant il s’installe en Italie dans les environs de Florence. En 1970 l’album Amour-Anarchie, qui témoigne de son éphémère collaboration avec le groupe « pop » Zoo, est
marquée par l’affaire Avec le temps chanson « écartée » dans un premier temps par la maison Barclay. 1971 voit la publication de son unique roman Benoît Misère et l’automne 1972, le début de la dernière tournée Ferré / Castanier et l’enregistrement de l’album Il n’y a plus rien. Le départ en mai 1973 de Paul Castanier, (son pianiste depuis 1957) et la rupture en 1974 avec la maison Barclay qui lui interdit d’enregistrer « sa voix » jusqu’en novembre 1976, vont conduire Léo Ferré à se consacrer principalement à la
composition et la direction d’orchestre. En 1975 il dirige l’Orchestre de l’Institut des Hautes Etudes Musicales de Montreux, puis l’Orchestre
Symphonique de Liège et en novembre, l’Orchestre Pasdeloup, au Palais
des Congrès de Paris, à l’occasion de la publication de l’album Ferré muet dirige… A partir de cette date la majeure partie des œuvres de Léo Ferré sera réalisée avec l’Orchestre Symphonique de Milan placé sous sa direction. Sur scène il dirigera également, l’Orchestre Symphonique de l’Essonne (1978), l’Orchestre Symphonique de Lorient (1984), l’Orchestre Métropolitain de Montréal (1985), l’Orchestre Philharmonique de Lorraine (1991). De 1976 à
1992 quinze albums seront réalisés soutenus par d’importantes tournées.

Les récitals, la plupart du temps sans entracte, ne durent jamais moins de deux heures et Léo Ferré donne l’impression d’être devenu un Metamec sur lequel le temps semble n’avoir aucune emprise. En 1980 Léo Ferré publie son second recueil de textes & poèmes sous le titre Testament phonographe. En 1981 il enregistre le triptyque Ludwig - L’imaginaire - Le Bateau Ivre puis enchaîne avec l’enregistrement de l’Opéra du Pauvre publié en avril 1983. L’année suivante il est sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées pour une série de récitals fleuves de près de trois heures qui seront enregistrés et filmés donnant lieu à la publication d’un triple album et d’un DVD. Il consacre l’hiver 1984/1985 à la composition, la réalisation et le filmage d’un album de textes de Jean-Roger Caussimon auquel une profonde amitié le lie depuis leur rencontre à Montmartre fin 46.

En février 1986, Léo Ferré, fidèle aux anarchistes pour lesquels il chante depuis 1947, inaugure le Théâtre Libertaire de Paris (TLP Dejazet). En novembre Jean-Christophe Averty pour le compte de la télévision lui consacre le film Amour, Anarchie, Léo Ferré 90, diffusé alors que Ferré est de retour au T.L.P. Dejazet pour une série de 25 concerts. En juin 1991 il donne un concert au Palais des Sports au profit de Radio Libertaire et en septembre se consacre à l’enregistrement de ce qui sera son dernier album Ferré Rimbaud : Une saison en enfer. Léo Ferré interrompt sa dernière tournée en octobre 1992 pour subir une intervention chirurgicale à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre. Il se replie ensuite dans à sa retraite de Castellina-in-Chianti où il meurt le 14 juillet