Tribune

Non mais des fois !

(« Vous avez la parole »)
Les émissions audacieuses et originales, les espaces de création uniques, l’ouverture aux musiques non officielles et à la culture musicale, ça intéresse qui ?


Non mais des fois, elle exagère Anne Montaron ! Elle devrait être bien contente d’avoir eu le privilège de réaliser une des émissions musicales les plus stimulantes du PAF. Alors de quoi se plaint-elle ? Que son émission « A l’improviste » qui laissait un espace de création dédié à la musique improvisée, où les concerts étaient enregistrés en public et diffusés ensuite sur France Musique soit menacée de disparition en plein milieu de saison ? Et alors quoi, la chaîne a eu l’immense bonté d’accorder cette plage horaire à cette émission qui, disons le tout net, n’intéresse absolument personne, en dehors de quelques mélomanes, des amoureux de la musique sous quelque forme que ce soit, des érudits, des curieux de la culture, des démangés de la création et de quelques camés qui ne croient qu’au spectacle vivant et enfin, last but not least, de ceux qui osent prétendre que la musique peut être un espace de liberté et de création instantané.

Non, franchement, elle exagère, Anne ; il y a des maisons pour ça ! Il est temps aujourd’hui de passer aux choses sérieuses et de recadrer la grille des programmes autour des émissions qui fonctionnent. Tenez, tous les soirs de la semaine à 21 heures France Inter propose les trompettes d’Aïda et Frédéric déboule au carrefour de « Lodéon », pour une heure de musique bien comme il faut. Voilà l’exemple à suivre si Radio France veut reconquérir ses parts de marché. Les émissions audacieuses et originales, les espaces de création uniques, l’ouverture aux musiques non officielles et à la culture musicale, ça intéresse qui d’abord ?

Non, franchement, elle exagère, Anne Montaron ! Enfin, est-ce à Radio France - et surtout à France Musique - de prendre le risque de proposer des programmes exigeants et innovants ? Et voilà qu’on va encore une fois demander au service public de diffuser des programmes dont le privé ne veut pas pour ses auditeurs. Comme si c’était son rôle, au service public !

Non, elle exagère, Anne Montaron ; et puis quoi encore ? Pourquoi pas des émissions d’ethnomusicologie sur France Musique tant qu’on y est ? On est pas à la Radio Suisse ici, ni sur Aligre, ici c’est le SERVICE PUBLIC madame…

Et d’abord, la musique improvisée, est-ce de la musique ? On est en droit de se poser la question si l’on en croit les déclarations du Directeur des programmes de Radio France. Selon lui, pour la musique improvisée il y a déjà les émissions de jazz. Et c’est déjà assez généreux de la part de France Musique de laisser quelques plages au jazz dans sa grille des programmes. Si, en plus, il faut laisser de l’espace à la création de trucs difficiles qu’on comprend pas ! Moi je vous le dis : le chanteur Béñat Achiary, allez ouste ! La théorie du chaos, à la trappe ! Non mais des fois, pour qui elle se prend la Montaron !

Mais dans tout cela il y a franchement une bonne nouvelle. Et là je voudrais m’adresser aux jeunes désoeuvrés qui ne savent pas encore quoi faire dans la vie. Je vous le dis tout net, cette affaire nous rend farouchement optimistes pour vous les jeunes. Car il s’avère que, oui on peut aujourd’hui être Directeur des programmes de France Musique et considérer que la musique improvisée c’est le jazz et donc, inversement, que le jazz c’est forcément de la musique improvisée. Ainsi nous découvrons que les chants Aka, la musique pygmée ne sont pas de la musique, que la musique contemporaine est plutôt une déviance, et que Duke Ellington n’est en fait que de la musique classique moderne. Comme on sait bien que penser cela est, évidemment, une totale bêtise, et que personne au monde ne le pense sauf… le Directeur des programmes musicaux de Radio France, cela nous rend guillerets pour les jeunes d’aujourd’hui : car oui je vous l’assure, le plus cancre d’entre vous pourra un jour devenir… Directeur des programmes musicaux de Radio France.