Chronique

Zoshia

Moon Talk

Sophie Tassignon (voc), Christian Claessens (p), Steven Van Loy (elb), Nico Manssens (dm)

Label / Distribution : Alone Blue Records

Outre un timbre singulier, auquel il faut s’habituer, le chant, les scats ou les improvisations s’apparentent plus à des psalmodies qu’à ceux d’une jazzwoman « classique ». Ses ondulations vocales, sur des compositions parfois tortueuses, vont vers un jazz de chambre onirique et fragile. Si l’on veut absolument chercher des références, on pourrait peut-être regarder, dans les moments les plus intimistes, du côté de Susanne Abbuehl… Ce sont dans ces instants retenus, sombres et envoûtants que la magie opère le mieux. Tassignon démontre d’ailleurs une parfaite maîtrise vocale sur le très beau « Don’t », qui laisse transparaître une sensualité ambiguë.

Le quartet sait mettre en valeur des chansons plus « revendicatives » comme « For A World Of Love And Care » et « Men and Women Can », où la chanteuse s’affirme encore et passe du grave à l’aigu de façon très personnelle. On pourrait craindre de se lasser de ce chant singulier, mais… c’est l’inverse qui se produit. On est comme hanté, bousculé dans ses habitudes et ses certitudes. Bien entourée par Christian Claessens au piano, Nico Manssens à la batterie et Steven Van Loy à la basse électrique (choix étrange mais assumé), la chanteuse garde le cap.

Sur « Blue Angel », pièce phare de l’album, le quartet alterne rythmes sombres et valse décadente, accentuant parfois une ambiance un peu lourde. Plus loin, sur « Dégringolade », c’est le dosage subtil de staccato et de batterie tout en polyrythmie qui montre une belle envie d’ouverture vers une musicalité débridée. Le monde de Zoshia est décidément plein de charme atypique. Et manifestement, ce n’est pas avec « Anna », chanté en russe, que Sophie Tassignon compte rentrer dans le rang.

Moon Talk est un premier album (il aurait peut-être mérité un plus gros travail sur le son) qui augure de belles choses à venir. Zoshia est un projet fragile ; il faut faire l’effort d’entrer, avec la perspective de découvrir quelques perles inattendues.