Chronique

Tricycle

King Size

Yuur Florizoone (acc, p), Philippe Laloy (ss, as, fl), Vincent Noiret (b), Laurent Blondiau (tp, bugle), Victor Da Costa (g), Stephan Pougin (perc, dm)

Label / Distribution : Home Records

Le chat qui illustre la pochette du disque n’est sans doute pas là par hasard. Tricycle nous emmène en effet en voyage avec l’agilité et la finesse d’un félin. Avec ce groupe, on parcourt différentes contrées, différentes ambiances d’un jazz teinté de musiques slaves, latines ou de folklores imaginaires.

Tout au long de ce périple, tout en fragilité et parfois en non-dit, le souffle de l’accordéon de Tuur Florizoone se mêle avec justesse à celui de l’alto ou du soprano de Philippe Laloy. Et comme pour garder le cap, la basse chaude et enveloppante de Vincent Noiret est la troisième roue indispensable de ce tricycle.

Pour ce deuxième album, le trio a, cette fois, embarqué quelques compagnons de route (d’où le titre King Size) qui ne sont pas du genre à ralentir le charroi : Laurent Blondiau (Mäâk’s Spirit, Octurn, Rackham…) à la trompette et au bugle, Stephan Pougin (Phinc, Rêve d’Eléphant Orchestra…) aux percussions volatiles et le guitariste d’origine brésilienne Victor Da Costa.

On passe ainsi de moments légers et joyeux, qui promettent une perspective insouciante ( « 4&3+4 » ), à des moments nettement plus sombres.
« Epilogue » par exemple, à l’ambiance lourde et désolée, laisse entendre le mariage délicat du sax et de la trompette dans un chant d’une extrême retenue. De ce recueillement s’échappent des notes de piano qui tombent comme des larmes que l’on ne peut retenir. Entre nonchalance et lenteur vive, Tricycle a le sens du bonheur simple et du rythme souple. La valse lente et mélancolique de « Belly Button », qui évoque une fête foraine fatiguée inspirée d’un film néo-réaliste italien, fait écho au malicieux « Pas ce soir, je suis crevé »… Ici, c’est la contrebasse qui a la gueule de bois. Le thème hésite entre aller danser ou se résigner à rester coucher. La guitare de Da Costa, aux accents légèrement sud-américains, et l’accordéon tentent de sortir ce petit monde d’une douce torpeur.

Notre petite bande rend ensuite un bel hommage à Trovesi et Coscia en reprenant « Tribute To Vissotsky » où le soprano virevoltant de Laloy échange des clins d’œil avec un accordéon à la voix grave. Détour aussi du côté de l’Amérique Centrale avec « Tupyzinho » qui s’emballe comme une sarabande, emmenée cette fois par une flûte et les percussions de Pougin. Bien sûr, l’onirisme fait partie du voyage avec « 3 Pinguins On A Sunday Afternoon » et surtout « Sylvana’s Dream » où résonne un saxophone léger, sensuel et lunaire.

Toutes ces mélodies avancent à pas feutrés, entre folklore perpétuel et jazz qui ne dit pas son nom. Tricycle ne s’encombre d’ailleurs pas d’étiquettes et n’emmène avec lui, comme seul bagage, que l’émotion. Et c’est déjà beaucoup.