Chronique

Céline Bonacina

Vue d’en haut

Céline Bonacina (bs, as, ss, voc) , Didier Makaga (kb, voc), Hary Ratsimbazafy (dr), Lionel Guillemin (cb)

Avec Vue d’en haut, on découvre une Céline Bonacina bien différente de la saxophoniste écoutée fin 2007 à la « Grosse Mignonne » à Montreuil. Accompagnée du pianiste Julio Laks, du contrebassiste Rémy Chaudagne et du batteur Hary Ratsimbazafy, elle jouait alors des standards rebattus dans un style tout à fait classique.

Alors qui est Céline Bonacina ?

Après des études de musique, une spécialisation en saxophone baryton et sept ans à la Réunion à courir les festivals des Îles, elle est revenue en Métropole partager avec nous ses impressions colorées. Vue d’en haut donne l’impression d’être la synthèse du travail, du plaisir, de l’inspiration et de la création.

En fait, Bonacina surprend à plus d’un égard. Fluide et nuancée à l’alto, elle aborde le baryton par le son, en travaillant la résonance. Sa vélocité et son grain très présent tempèrent sa virtuosité et sa douceur à l’alto et au soprano. Son jeu au baryton échappe aux clichés de l’instrument : le son est loin de la raucité et de l’épaisseur d’un Mats Gustaffson ou d’un Colin Stetson, et ne subit jamais le fardeau de la performance. Ses compositions sont efficaces et bien arrangées. Bref, elle met sa technique instrumentale au service de sa musique et y parvient brillamment.

Habile, elle a concocté sa musique avec humour et de telle manière qu’elle paraisse naturelle. Elle puise dans ses inspirations quelques nuances délicates : on entend un soupçon de musiques des îles ou un zeste de rythmiques de fanfare agrémentés d’un brin de folie. « Celtic Theme », fait penser à une marche militaire écossaise. Certaines pièces sont composées comme de petites suites. « Vue d’en haut » est peut être le morceau le plus significatif. Il débute par un thème légèrement dissonnant, doublé à l’alto et aux claviers de Didier Makaga, suivi d’une rythmique rapide et dense de Ratsimbazafy avec la voix de Bonacina en sur-couche, pour finir sur une ballade. Une suite à la fois amusante et joliment écrite.

Ses vocalises survolent la musique et lui apportent une dimension supplémentaire en doublant un instrument ou en « jouant » un thème à la manière instrument. Quoique plus linéaires et divertissantes, elles rappellent celles de Jeanne Added sur le Oui de Pierre De Bethmann ou de Luciana Souza sur le Soar de Donny McCaslin.

À grand renfort de mesures composées et de métriques complexes, les sidemen prennent toute leur importance dans le travail rythmique, et on sent chez eux une très bonne compréhension de la musique de Bonacina. Pour autant, grâce à son talent de compositrice la musique reste fluide. On note qu’un effort important a été fait en post-production pour, justement, rehausser cette musicalité.

Voici résumées les caractéristiques de ce premier disque : mélange des genres, choix artistiques audacieux et musiciens de qualité pour une musique accessible. Un bel album qui dévoile la grande expérience musicale de la prometteuse Céline Bonacina.