Chronique

Marc Boutillot trio

… et alors !?

Marc Boutillot (cl, bcl), Sébastien Béliah (cb), Frédéric Delestré (dr)

Label / Distribution : Le Petit Label

Basé entre Paris et Charleville-Mézières, Marc Boutillot est un clarinettiste trop discret sur les scènes de l’Hexagone. Et alors !? est son premier disque en leader, mais il ne faut pas y voir un « coup d’essai ». C’est même le contraire : c’est un album de la maturité, mais avec ce qu’on ne trouve plus chez les musiciens qui ont roulé leur bosse : la fraîcheur.

Boutillot dévoile son univers à l’aide ses deux compères, essentiels à la réussite de l’album, Frédéric Delestré à la batterie et Sébastien Beliah à la contrebasse. Le trio évoque celui de Thomas Chapin avec quelque chose de la rythmique jungle de Michael Sarin ; l’énergie, la cohésion du groupe sont réelles et on assiste à un débordement d’idées aussi foisonnantes qu’étonnantes. Le groupe emprunte aussi à Chapin quelques procédés : phrases courtes et énergiques, thèmes forts, musique percussive et transe osmotique, entre autres. Mais la comparaison s’arrête là car la musique est ici tout à fait personnelle, d’autant plus qu’elle ne souffre d’aucun excès d’expressivité ou d’énergie.

Les compositions, toutes de Boutillot, sont joyeuses, et assez rusées pour conduire l’auditeur où il ne s’y attendait pas. Bien écrites, mélodieuses et très entraînantes, elles reposent entièrement sur la structure rythmique : le trio est contraint à des échanges (stop-and-go, accélérations) incessants et effrénés. Les chorus de Boutillot sont aussi fonction de la rythmique, et la clarinette devient alors un instrument percussif. Dans ce tourbillon de rebondissements, d’attaques et de furie sobre et construite, des répons bruitistes font office de césure au sein des pièces. Qu’ils soient sonores ou expressifs comme sur « Ostha » (avec des phrases empruntées à l’infralinguistique), ces intermèdes, naturels et logiques, font écho à l’atmosphère du morceau, mais sans jamais lasser pusiqu’on s’attend constamment à une surprise. C’est là que réside la fraîcheur de Boutillot : pas d’usure de style ni de ficelles.

Mais ce qu’on retient avant tout, c’est sa musicalité. Les pièces - qui sont tantôt allègres, tantôt angoissées, enlevées ou bien posées - conservent un côté mystérieux que l’on a peine à définir : une espèce de noirceur que le son du clarinettiste contribue à élaborer et qui plane sur tout l’album. Un son baroque ou médiéval que Boutillot déploie avec générosité au long de chorus surprenants, et qui lui confère un cachet unique - un son fluide, parfois oriental, parfois celtique, qui se combine aux aspects plus bruitistes, moins policés du disque. L’énigme reste totale…