Chronique

The Wrong Object

Stories From The Shed

Michel Delville (g, electro), Fred Delplancq (ts), Jean-Paul Estiévenart (tp), Damien Polard (b, electro), Laurent Delchambre (dm)

Label / Distribution : Moonjune

Quelles sont ces histoires cachées au fond de la grange de The Wrong Object ? Faut-il s’en méfier ? Faut-il les écouter sans crainte ? Que nous réservent-elles ?

Ce sont en fait des histoires de rock fiévreux trempées dans un jazz bouillant et électrique. Comme Zappa à l’époque (le groupe revendique clairement son influence), The Wrong Object n’hésite pas à mélanger les genres pour en extraire une substance explosive. Car les deux souffleurs, venus du jazz (Estiévenart et Delplancq), et le trio, guitare–basse–batterie, d’origine plutôt rock (Delville, Polard et Delchambre) ont bien retenu la leçon du grand Frank et l’ont appliquée à notre époque. Le rock s’est enrichi d’influences plus actuelles et le jazz d’accents plus contemporains. À cela, The Wrong Object ajoute une touche plus hard dans le traitement. C’est sans doute une des raisons qui ont poussé le label américain Moonjune (spécialisé dans le jazz rock progressif) à le signer.

Stories From The Shed alterne astucieusement moments forts et plages plus atmosphériques, dans une tension toujours présente. Emmené par Michel Delville à la guitare électrique, « Sonic Riot At The Holy Palate » ouvre l’album de manière retentissante. Les riffs de guitares sont autoritaires, tandis que les cuivres rappellent un peu le Masada de John Zorn. Le ton est donné. Place ensuite à une déferlante de thèmes puissants aux constructions sinon complexes, du moins jamais innocentes. Il faut souligner par exemple la richesse des arrangements sur « Strangler Fig » ou « Malign Siesta » (ah, ces agitations délirantes de guitares, ces breaks apaisés et swinguants de sax et de trompette, cette batterie brûlante !…), ou encore le très beau « 15/05 » et son ostinato de basse lancinant. Entre les jupes de velours au son capiteux où l’on plonge en apnée (« Theresa’s Dress » et « Theresa’s Dress – Reprise »), The Wrong Object vient placer quelques cailloux free rock (« Rippling Stones ») qui ravivent des souvenirs douloureux aux lointains accents de valses. Toujours soutenu par une rythmique qui maintient la pression à un niveau élevé, Delville fait preuve d’une grande habileté à la guitare. Ses riffs sont mordants, et ses développements, clairvoyants, visent à rejoindre la trompette ondulante d’Estiévenart ou le sax rageur de Delplancq. Un
Delplancq que l’on découvre dans un registre étonnant, même si l’on connaît déjà sa capacité à extraire toute l’énergie d’un thème dans un contexte plus « jazz », et qui, ici, est à nouveau éblouissant.

La musique de The Wrong Object vient des tripes, mais garde toujours un sens mélodique malgré une débauche d’énergie souvent à la limite de la rupture. D’ailleurs, le groupe joue beaucoup plus sur les nuances qu’il n’y paraît au premier abord.
Allez donc ouvrir les portes de cette grange au fond du jardin et poussez le volume à fond, vous ne serez pas déçus.