Chronique

A. Fernandez, E. Parker, B. Guy, P. Lytton

Topos

Agusti Fernandez (p), Evan Parker (ts, ss), Barry Guy (b), Paul Lytton (d)

Topos désigne, en rhétorique, le « lieu commun », l’idée de base partagée par un groupe qui permet à chacun de se retrouver en terrain de connaissance.
Mais topo désigne aussi, en espagnol, une petite tache, un motif circulaire sur un papier ou un tissu. Un « pois », une marque qui contraste sur une surface unie.

Il y a un peu de tout cela dans l’enregistrement de ces neuf improvisations captées en 2006 à Barcelone. La musique libre comme postulat de base et comme rencontre. Le piano comme lieu commun et centre de toutes les séquences : quartets mais aussi duos (« Still Listening », « Smart Set ») ou trios (« In Praise of Shadows »,« Inner Silence »).

Le trio presque quadragénaire formé par Evan Parker, Barry Guy et Paul Lytton venait d’enregistrer Zafiro en public à l’Auditori de Barcelone. Agusti Fernandez les rejoignit le lendemain, 26 mars, et cela donna tout autre chose [1].
Si le trio se comporta, la veille, comme une entité unique jetant ses feux en tous sens - de là, sans doute, l’image du saphir -, le quartet à géométrie variable fonctionne, lui, comme une mise en question permanente des circulations dans l’espace, une redistribution des cartes et des places toujours recommencée.

Une brève entrée en matière, « Coalescence », en guise de tour de chauffe, joue à décanter les composantes acoustiques de chaque instrument. « Open Systems » campe un univers en expansion au sein duquel les taches musicales se déplacent, se rencontrent, s’éloignent. Les unes changent au contact des autres, les deux instruments à cordes en particulier (contrebasse et piano) échangent sonorités et attaques au gré de leurs collisions.

Suivent sept développements courts sur des propos différents, qu’illustrent les titres des plages : « In Praise of Shadows » - référence à l’esthétique japonaise - explore les couleurs sourdes ; « Air/Luft » décolle ; « Still Listening » fait la part belle à l’attente et au presque imperceptible…

Quatre taches sonores mouvantes dont les évolutions dessinent des plans différents et des mondes changeants. Quatre « topos » cherchant leur « topos » commun, s’aperçoivent qu’il y en a une infinité. A écouter au casque !

par Diane Gastellu // Publié le 17 avril 2008

[1Les deux albums ont reçu la « mention honorable » de All About Jazz au titre de l’année 2007