Chronique

Bruno Angelini/Giovanni Falzone

If Duo/Songs Vol. 1

Trompettiste de jazz, leader d’un quintet talentueux, expérimentateur de haute volée, subtil accompagnateur, Giovanni Falzone n’est jamais si près de lui-même que dans ce duo avec Bruno Angelini que nous avions découvert avec Empreintes sorti chez Sketch en 2003. Avec une complicité maintenant éprouvée, depuis que les deux hommes ont appris à se jauger musicalement et humainement, s’est mise en place une exploration au long cours d’univers singuliers, avec l’aide du label Syntonie et de son producteur Renaud Kressmann. Comme ils le disent eux-mêmes, il s’agit « d’entrer à chaque projet dans une nouvelle « bulle musicale » ; d’y trouver la cohérence mais aussi d’en chercher tous les contours. »

Le trompettiste propose sa musique pour ce premier programme If Duo, Songs Vol. I. Il a adapté pour la circonstance ses compositions, écrites en général pour des formations plus larges. Il est alors au plus près de sa source, entre musiques savantes et airs populaires, entre ferveur et mélancolie latines. Chant de désir ou aveu d’une plainte, selon l’humeur, il nous balade au cœur de ses « ténèbres » avec ce Maschere enivrant et nocturne qui révèle autant qu’il dissimule. On se laisse prendre à ce lyrisme échevelé qui file dans l’aigu avec de fausses fragilités. Point trop de méditation ni de recueillement, ce n’est pas là sa pente naturelle ; la mélodie est serrée au plus près, avec une clarté d’articulation et une liberté conquises au détriment d’une séduction facile, dans l’exigence ! Ses envols sont capricieux avec des ruptures de tempos, pour le moins déconcertantes. Aucune facilité dans les phrases qui s’épanouissent en volutes énervées, stridentes souvent, en bourdonnement exaspéré sur « Salto nel Vuoto » ou « Pineyurinoli ». Cette frénésie communicative est appuyée habilement, renforcée par le martèlement du piano. Bruno Angelini est le partenaire idéal qui s’ajuste, s’emporte à son tour, avec une main droite enjouée et volubile. Giovanni Falzone sait par ailleurs jouer à cache-cache avec celui qui surgit comme un félin pour mieux égratigner, griffer le thème de sa patte. Le piano renvoie alors toutes les harmoniques du cuivre en les transformant de son empreinte sautillante.

Un peu désarçonné dès l’ouverture de l’album par la richesse des échanges qui entretiennent et relancent une sorte d’intrigue, on se laisse vite prendre par ce duo vibrant dont la musique est intelligente et sensible, dense et colorée, rigoureuse et folle à la fois : une association réussie à ce point répond à une alchimie étrange. On ne sait lequel des deux apporte cette brûlante intensité, cette douce violence. Sûr que ce duo non conventionnel mérite de sortir de l’ombre. On attend avec impatience la suite de son aventure musicale.