Chronique

C. Delaunay / P. Van den Heuvel

Le chien déguisé en vache

Catherine Delaunay (cl.) - Pascal Van den Heuvel (s.)

Label / Distribution : Les neuf filles de Zeus

Une musique évocatrice et presque cinématographique. Catherine Delaunay et Pascal Van den Heuvel croisent et décroisent les lignes de leurs instruments et dessinent d’une main preste dix-sept courtes esquisses, pour la plupart improvisées.

Du minimalisme bucolique du « Jardin de Joseph » ou de « Odette est partie » aux réminiscences balkaniques de « Mon p’tit palud » et de « La ballade d’Aigor », le duo use de sons aux couleurs tendres (« Such a princess », une composition de Catherine Delaunay, nostalgique et doucement surannée) ou vives (« La vache déguisée en chien »), avec une sorte de volonté d’enfance qui leur va bien au teint.

Ne vous fiez pas aux apparences : la naïveté est voulue, le chien n’est peut-être pas un chien, ni la vache une vache ; « Lost tango in Paris » est une valse et « Une valse dans les prés » n’en est pas une ; « Sors la poubelle avant d’aller danser » n’est pas une parodie de Sylvie Vartan, mais « Soir de Paris » est une authentique valse musette qui fleure le parfum de chez Bourjois « avec un J comme Joie » et une tour Eiffel sur la boîte bleue. « C’est encore loin » sonne un peu comme une chanson de halage… Vous suivez ? Tais-toi et rame.

Malicieux, les deux soufflants nous gratifient en cours de route de conversations instrumentales impromptues que nous devons comprendre à demi-mot, à demi-note, comme on essaie de saisir une discussion à la table voisine : « Au café avec Claude », « Tenderness », « Mon p’tit python »…

Elle se délecte à jouer les faux seconds rôles, les basses obligées. Il caresse voluptueusement les médiums et batifole dans les aigus avec la fougue d’un jeune chien dans l’herbe tendre. Tous deux affectionnent les volutes et les lignes virevoltantes, les sonorités rondes et dodues comme une petite madeleine, les teintes fraîches, les souvenirs de musiques populaires, les échanges de voix, les phrases qui finissent en suspens comme un sourcil levé. Le vôtre, peut-être, à la première écoute de cette subtile collection de vignettes musicales.