Chronique

Robin Verheyen Quartet

Painting Space

Robin Verheyen (ts, ss), Bill Carrothers (p), Remi Vignolo (b), Dré Pallemaerts (dm)

Label / Distribution : De Werf

Si Robin Verheyen s’est souvent fait remarquer ces dernières années, ce n’est pas sans raison. Et si le jeune saxophoniste a pu s’entourer de musiciens confirmés tels que Dré Pallemaerts, Rémi Vignolo et Bill Carrothers, c’est dû à son approche personnelle du jazz (qui n’est pas sans rappeler le travail actuel de Wayne Shorter) et à un certain talent. Ce talent, qui a pris racine en Belgique, il l’a développé à Paris et enrichi à New York. Le résultat : un album mêlant des ballades contemplatives au confort incertain à des moments plus fougueux aux envolées parfois délirantes. Painting Space suit les méandres des conversations libres, parfois apaisées, parfois tendues, entre les quatre protagonistes. Près de la moitié des morceaux sont d’ailleurs issus de compositions collectives, preuve s’il en est qu’il règne entre eux un bel esprit de groupe. Robin Verheyen semble appliquer la même formule à ses propres créations : il dessine la ligne directrice et laisse ses acolytes s’en éloigner, explorer d’autres formes, teintes et saveurs - aux limites d’un cadre invisible, sur des structures dont le juste degré de flexibilité permet à chacun de s’exprimer et d’improviser subtilement. À ce jeu, outre Verheyen lui-même, c’est Bill Carrothers qui se met le plus souvent en avant. Il tâte du Fender Rhodes avec vigueur (« Painting Space »), du piano préparé avec finesse (« Facing East » ou « Metal Bar ») et drape les autres thèmes d’un toucher lyrique et sensible. Dré Pallemaerts, quant à lui, est un complice de tous les instants. Attentif et toujours en alerte, son drumming souple et délicat en devient même sensuel (« Floating Around »). Comme souvent, il est époustouflant de justesse. Avec Rémi Vignolo, tous trois concoctent un écrin soyeux et moelleux, fondation parfaite pour ces mélodies aux raffinements parfois complexes. « Open To Your Love » en est un bel exemple. Langoureux, ce morceau se mue peu à peu en cri déchirant, en appel de détresse. Carrothers et Verheyen flirtent alors avec le free, mais le canalisent habilement. L’inquiétude redevient quiétude. Le groupe s’attaque également à deux standards : un respectueux hommage à Wayne Shorter avec « Capricorn » (étonnamment en décalage - léger - avec la tonalité d’ensemble), mais aussi et surtout une relecture quasi méconnaissable de « Body And Soul ». Toute la démarche du saxophoniste s’y trouve ici concentrée. Ce morceau emblématique est entièrement démonté, reconstruit et repensé. Le résultat est aussi brillant que déconcertant. Robin Verheyen est de ceux qui laisseront une trace dans l’histoire du jazz. Laissons-lui seulement le temps d’affiner le trait, et suivons son évolution car on reparlera de lui.