Chronique

Gérard Siracusa

Drums Immersion

Label / Distribution : Signature/Radio France

C’est curieux comme on entend peu parler de Gérard Siracusa dans le petit monde du jazz. Pourtant ses états de service depuis plus de 30 ans sont loin d’être négligeables ! Si conséquents même qu’on évitera ici de les rappeler intégralement, de crainte de vous voir zapper. Pas de name-dropping ni de remplissage, allez plutôt voir à la source et parlons de l’album.

Le label Signature édite sous le titre évocateur de Drums Immersion une suite de sept solos de batterie enregistrés presque à nu, sans re-recording, dans les studios de la Maison de Radio France. Cinquante petites minutes : la concision fait partie du langage de Gérard Siracusa.

Le dépouillement aussi. Siracusa joue aux baguettes et rien qu’aux baguettes ; il évite les masses sonores, fuit les foisonnements et recherche un son à la définition la plus élevée possible, un son que l’on entend se terminer avec autant de netteté qu’il commence. Le silence est l’une des ressources du batteur, il est la matière même du son, protagoniste à part entière dans « Monologue » notamment, la pièce la plus longue de l’album, structurée un peu comme une longue période dans une pièce théâtrale classique. « Immersion » aussi joue sur le vide et le plein, et sur les nuances : le plus faible roulement emplit l’espace, une percussion brutale et isolée donne toute sa densité à l’absence.

Si les tambours fournissent l’essentiel de la mélodie - et de l’album, les cymbales prennent leur indépendance pour dessiner un lever de soleil sur « Emergence », et « Illusion » fait la part belle aux sons mats : cross sticks, cloches, bois.

Le premier thème, « Rouge », sonne comme une synthèse de deux soli emblématiques de Max Roach : « The Drum Also Waltzes » et « For Big Sid » - à ceci près qu’on est à cinq temps. Tiens, peut-être est-ce justement une façon de poursuivre le propos. La cellule de base métronomique, immuable - deux croches, noire pointée - à la grosse caisse et à la charley, soutient une succession de développements au cordeau, qui s’amorce dès l’entrée par une mélodie jouée sur les toms et une séquence rythmique récurrente ponctuée à la voix - seul instrument toléré en-dehors des percussions !

Le dernier s’intitule « Hommage », et l’on croit y retrouver encore Roach. Comme si la boucle était bouclée. Comme pour nous donner l’envie de boucler sur une nouvelle écoute, en reprenant à la plage 1.

Un album à conseiller à tout percussionniste, à tout amateur de percussions, et aussi à ceux qui croient encore que la batterie n’est pas tout à fait un instrument de musique. Le tout est de savoir qui en joue…