Chronique

Matthieu Donarier Trio

Live Forms

Matthieu Donarier (saxes), Manu Codjia (g), Joe Quitzke (dm)

Label / Distribution : Yolk Records

Rendre compte du quotidien d’un groupe qui fête ses dix ans d’existence n’est pas chose aisée ; la question se pose de l’empreinte sonore qu’on veut laisser. C’est cette problématique qui a guidé l’enregistrement du deuxième album du trio de Matthieu Donarier : le premier était issu d’un travail en studio [1], mais cette fois, le saxophoniste et clarinettiste, membre du collectif Yolk, souhaitait capter son travail dans son quotidien : la scène. Ce choix esthétique devait permettre de découvrir le répertoire, constitué de « standards » ( [2]) et de compositions anciennes ou récentes. De plus, la musique enregistrée en concert semble mieux restituer la conception du trio.

Un peu moins d’un an après le lancement du projet, Live Forms paraît donc chez Yolk ; c’est le fruit de prestations à Saint-Nazaire et Angers, mais également d’un travail qui s’est étalé sur un peu plus d’un mois : trois salles (Le Fanal à Saint-Nazaire, le Pannonica à Nantes, le centre culturel de l’Université d’Angers), avec à chaque fois résidence de plusieurs jours sur place, répétitions/concerts ouverts au public dans la journée, puis concerts « officiels » le soir, chaque prestation étant enregistrée. De quoi roder le répertoire et opérer les choix les plus cohérents en regard de la volonté affichée.

Le résultat est à la hauteur. Dans ce trio aux rôles tournants - Donarier, Manu Codjia et Joe Quitzke assurant la ligne mélodique, la ligne de basse ou le rythme au sein d’un même morceau – on est frappé par l’économie de moyens, la sobriété que peut se permettre la maîtrise instrumentale totale. Jamais une note de trop, juste une succession d’idées magnifiquement développées et ménageant de perpétuelles surprises, que ce soit au niveau rythmique ou mélodique. Les compositions signées Donarier, passionnantes, semblent être une source d’inspiration sans fin pour ses deux acolytes. Quant aux reprises - deux morceaux de Brassens (« Le temps ne fait rien à l’affaire », « Le roi des cons ») elles sont habitées, dynamitées, réinventées, tout en laissant l’auditeur fredonner les paroles de tonton Georges. Sans oublier une version magistrale de la « Gnossienne n°3 » de Satie et « Il pleut dans ma chambre » de Trenet, qui retrouvent une totale originalité sans renier l’esprit de leurs compositeurs.

Superbe cadeau d’anniversaire, donc, pour la première décennie de ce trio, et parfaite illustration de ce qu’il est capable de proposer en concert : une musique surprenante de fraîcheur, tout en polyrythmies, paysages sonores en perpétuel renouvellement et mélodies aussi étranges qu’accrocheuses. Une des grandes réussites de l’année.