Chronique

noJazz

noJazz

Philippe Selam (sax.), Nicolas Folmer (tpt.), Philippe Balatier (kbd. & smpl), Pascal Reva (dr. & bs), DJ Mike

Prologue

Octobre 2002, Paris, Quai de Valmy, au comptoir du « Comptoir », Léo et Léa sirotent un mojito. Soudain…

L. : « Waaa, chanmé c’te zik, c wak ? » [1]

L. : « A’wouai, ça l’fait grave : c du jazz ! » [2]

L. : « Naaan, trô d’la balle. Komans’apel ? » [3]

L. : « noJazz, ch’crois… » [4]

L. : « Terriiiible. C dingue, mon reup ossi y kiffait l’Jazz kantilétai d’jeuns. Mafé écouté 1 fois, sur sa vieille platine : c’te pov’ zik ! » [5]

L. : « T’a trô raison, une pov zik… » [6]


Tout d’abord, nous passerons rapidement sur la pseudo caution Davisienne - la musique qu’aurait fait Miles s’il était encore vivant - établie ici par producteur interposé : l’argument est pour le moins fallacieux, qui permet de justifier tout et n’importe quoi (le film qu’aurait réalisé Hitchcock s’il était encore vivant pour le dernier De Palma, ou le livre qu’aurait écrit Paul Loup Sulitzer s’il était encore vivant pour le dernier Loup Durand, etc.)

Ensuite, nous ferons mine d’ignorer le discours univoque de Warner - noJazz entre directement à la seizième place entre Linda Lemay et Laurent Voulzy (Communiqué du 24.09.02) - tout en admettant qu’il a au moins le mérite de ne s’encombrer d’aucune considération d’ordre esthétique.

Enfin, nous dissimulerons les sourires qui nous viennent au visage face aux résultats des élucubrations vestimentaires et scéniques de nos compères, tant ils sont cohérents avec la volonté mercantile qui sous-tend cette production. Car tout cela n’a finalement que peu d’importance en regard d’un constat, subjectif mais clair : ce premier album n’est pas un bon album.

Entendons-nous bien, j’en suis le premier déçu, car beaucoup de choses laissaient supposer une véritable réussite : une équipe constituée de musiciens aguerris, dont aucun n’a à rougir de ses états de service, des concerts euphoriques et dansants, une production a priori irréprochable.

Malheureusement, allez savoir pourquoi, la sauce ne prend pas. Les titres s’enchaînent, peu convaincants (à part peut-être un El Primero un peu plus abouti), les samples et les boucles sont ringards, les rythmes usés. Pire, tous les mauvais clichés de la World Music et de l’Electro sont au rendez-vous, de Cuba (ce Cuba idéalisé qui a fait la fortune de Ry Cooder) au Maghreb, de la Jungle au Hip-Hop.

En fait, cet album a ceci de commun avec mon prologue qu’il est une maladroite (mais sincère ?) tentative de discours dans un idiome que l’on singe parce qu’on ne le comprend pas.

Dommage.

par Evrim Evci // Publié le 7 décembre 2002

[1Ouahh, c’est de la bonne musique, qu’est-ce que c’est ?

[2Ah oui, c’est vraiment de la bonne musique : c’est du Jazz

[3Non ! C’est vraiment de la très bonne musique ! Comment ça s’appelle ??

[4noJazz, je crois…

[5Terrible. C’est dingue, mon père aussi il aimait le jazz quand il était jeune. Il m’a fait ecouter une fois, sur sa vieille platine : ce n’était pas de la très bonne musique

[6Tu as raison, ce n’était pas de la très bonne musique.