30 ans, 10 chefs et aucune persistance de l’oubli.
L’Orchestre National de Jazz a dignement fêté ses 30 ans d’existence et de création.
Photo : Christian Taillemite
Institué dans les années 80 à l’initiative de Jack Lang, alors Ministre de la Culture, l’Orchestre National de Jazz a fêté ses 30 ans d’existence ce 2 septembre 2016 dans l’écrin de la salle de la Philharmonie, au cœur de la Cité de la Musique, devant une salle comble.
En première partie :
L’actuel ONJ, dirigé par Olivier Benoit, reprent l’essentiel du répertoire Europa-Berlin, deuxième disque de ce projet à dimension européenne, débuté par Europa-Paris et qui se poursuit avec Europa-Rome, et une ouverture à la musique contemporaine et des compositions d’Andrea Agostini et Benjamin de la Fuente (sortie de l’album en octobre) puis avec Europa-Oslo, en compagnie d’une invitée : la vocaliste Jessica Sligter (sortie de l’album au printemps 2017).
Cette reprise d’Europa-Berlin se révélait une occasion parfaite pour mettre en évidence chacune des 11 personnalités fortes qui constituent l’ONJ actuel, assurément l’un des meilleurs crus, avec ceux de Claude Barthélemy, de Frank Tortiller et, n’en déplaise à André Francis, celui de Paolo Damiani, en collaboration avec François Jeanneau.
Comme sur l’album, le concert s’ouvre sur « L’Effacement des traces », avec son intro bruitiste, le temps que se mette en place la masse sonore compacte de la formation, avec sa large palette de couleurs, le tout dominé par le trombone rugissant de Fidel Fourneyron. La deuxième partie de la composition, avec ce bel équilibre entre le Rhodes de Paul Brousseau et le piano de Sophie Agnel en intro, laisse une large place aux anches (Alexandra Grimal, Hugues Mayot et Jean Dousteyssier). « Métonymie » met en évidence toute la flamboyance du violon de Théo Ceccaldi. « Révolution », sous l’impulsion de la batterie d’Eric Echampard et le couple piano-Rhodes avec motifs obsédants, permet à la trompette virevoltante de Fabrice Martinez de prendre son envol. « Oblitération », avec ses samples, propose un beau solo de piano et « Détournement » met en évidence l’inventivité de Paul Brousseau aux claviers électriques. « Persistance de l’oubli » met, enfin, au premier plan la guitare survoltée d’Olivier Benoit. Une succession de compositions à l’architecture savante et aux riches contrastes rythmiques.
- François Jeanneau dirige l’ONJ pour les 30 ans. Photo Christian Taillemite
En deuxième partie :
Dans la foulée de premières rencontres en juillet, suivies de 5 jours complets de répétitions intensives, l’équipe du Nordiste rencontre les directeurs artistiques des 10 précédents ONJ. Pour cela les 11 musiciens de l’ONJ actuel sont rejoints par des élèves du Conservatoire de Paris et de la Norvegian Academy of Music d’Oslo : en l’occurrence, d’un côté les « Parisiens » Pascal Mabit (as), Simon Corneille (bs), Timothée Quost (tp), Hugues Morisset (tp), Jules Jassef (tp), Lucas Spiler (tb), Maxime Morel (tb, tuba), Raphaël Olivier Beuf (g), de l’autre, les « Norvégiens » Kristoffer Albert (ts) et Magnus Joelsson-Murphy (tb).
Premier invité, François Jeanneau dirige« Jazz Lacrymogène », une composition de 1986. Une composition courte pour big band aux sections traditionnelles fixes, sans solo.
Suit Antoine Hervé, avec « Desert City », de l’ONJ 87, nouvel exemple de formation avec division traditionnelle en sections, mais cette fois, avec solo de saxophone alto, sur fond de trompettes bouchées.
Cette structure traditionnelle du big band explose avec Claude Barthélemy qui reprend sa composition « Real Politi K » (titre d’un album de 86 qui précédait son premier ONJ) : une masse sonore compacte, avec flamboyances électriques et dominée par le violon de Théo Ceccaldi (l’ONJ de 1989-91 ne comprenait pourtant pas de violon à l’époque).
Avec« À plus Tard », titre d’un album de 1992 de Denis Badault, l’orchestre reçoit une première invitée, Elise Caron dont la voix voltige en confrontation avec la masse sonore de l’orchestre.
Pour sa part, Laurent Cugny reprend « In Tempo » de 1996, nouveau retour aux sections traditionnelles, avec apport du Rhodes et solo de violon.
Avec « Out of », de l’album ONJ Express, Didier Levallet fait se succéder les solos : trompette, guitare, saxophone.
Paolo Damiani a, pour sa part, opté pour sa composition « Argentiera » de l’album Charméditérranéen : intro de cello qui donne le ton du son d’ensemble de la formation, dominée à nouveau par le violon.
Pour illustrer son deuxième ONJ (2002-05), Claude Barthélemy reprend un thème orientalisant de La Fête de l’eau, « Oud oud », avec son intro au oud et une masse sonore dominée par un saxophone soprano.
- Franck Tortiller. Photo Christian Taillemite
Plutôt que de reprendre un thème de Close to Heaven ou d’Electrique, Frank Tortiller, tout à sa passion pour la valse musette, a choisi « Valse Deux », composition qu’il a jouée avec l’ONJ mais qui ne figure que sur l’album Sentimental 3/4 : le vibraphone lance le thème que développe l’orchestre, avec solo de trombone et de vibraphone, avec une forte implication de la batterie (l’ONJ de 2005-08 comprenait deux batteries).
En directeur artistique, simple observateur en bord de scène, Daniel Yvinec (2009-2013) a opté pour « Shipbuilding », une « chanson anglaise » qui figure sur son album Around Robert Wyatt, avec la chanteuse Yael Naim en invitée.
Au final, Olivier Benoit revient en chef d’orchestre avec « Paris V », l’une des compositions d’Europa-Paris : nouveau retour à cette palette sonore riche et compacte, dominée par un saxophone.
Indéniablement, l’ONJ, dans ces différentes configurations, a constitué une extraordinaire vitrine de jazz français. Cette soirée sert aussi de tremplin à une belle tournée consacrée au projet Europa-Berlin.