Alan Regardin

En ces temps où l’ouverture d’esprit est aussi redoutée qu’une fracture du crâne, ce Ritual Tones assume une posture à l’esthétisme musical déroutant. Parce qu’au premier abord, il n’est pas aisé d’entrer dans un univers si peu dessiné. Ritual Tones demande du temps, avec lequel, d’ailleurs, il ne cesse de jouer. Il exhorte à une réelle curiosité, une écoute qui ne laisse pas agir les automatismes, mais qui les laisse aller. Comme une méditation, que les variations subtiles et à peine perceptibles induisent. Avec cette pièce écrite pour orgue positif, trombone, saxophone et bugle, Alan Regardin promet une étreinte pour les oreilles et les âmes, et pas tout à fait à l’abri d’hallucinations auditives.

L’œuvre s’articule en triptyque. Le premier volet, « Tones », est une ode à la lenteur, une vibration fondamentale, sobre, pour conduire les sens vers l’écoute. Il nous met en condition, sans sommation. Passé les premières minutes à quémander du renouveau, l’esprit se laisse dompter par l’exhalaison ininterrompue, et commence à arrêter de vouloir. S’entame alors une communion, un propos familier, aux intonations plus claires.

Épuré, c’est un souffle sonore qui nous traverse et qui enchaîne avec « Prélude », ce deuxième volet dont le nom semble indiquer que quelque chose commence. Les variations sont plus fréquentes, mais toujours infimes, et leurs contours temporels relatifs. L’impression de vagues sonores grandissantes s’installe.

Puis c’est le silence, le premier, avant le troisième volet, « Ritual », qui voit l’orgue positif prendre de la hauteur pour un final éclatant. C’est de cet instrument que tout part, sous l’impulsion de Peggy Buard, et les soufflants Alan Regardin, Gabriel Lemaire et Alexis Persigan s’emploient à l’imiter pour se fondre en lui. Ritual Tones procure une perte de repères salvatrice, au cours de laquelle beaucoup de choses se passent, et dont on ressort un peu plus libre.