Chronique

Aldo Romano

Reborn

Aldo Romano (dms), Jasper Van’t Hof (p), Daryl Hall (b), Enrico Rava (tp), Baptiste Trotignon (p), Michel Benita (b), Glenn Ferris (tb), Yoann Loustalot (tp), Géraldine Laurent (as), Mauro Negri (cl), Henri Texier (b).

Label / Distribution : Le Triton

Selon Aldo Romano, les musiques s’usent si on ne s’en sert pas, ou plutôt elles meurent quand on ne le les joue pas. Après une incursion vers les musiques improvisées (Liberi Sumus) aux côtés de Vincent Lê Quang et Henri Texier, puis Mélodies en noir et blanc, occasion d’un petit retour en arrière sur ses propres compositions dans le cadre d’un trio, le batteur continue de regarder dans le rétroviseur en conviant une poignée d’amis à insuffler une nouvelle vie à quelques thèmes emblématiques de la musique qui l’habite depuis de longues années (y compris celle de Frank Zappa avec une reprise de « Twenty Small Cigars »).

Enregistré live au Triton au moi de mai 2019, Reborn se présente sous la forme d’un rapide concert où les formules se succèdent et se croisent, la plupart du temps en quartet : une quasi-reconstitution de Palatino (Michel Benita, Glenn Ferris et Yoann Loustalot prenant la place de Paolo Fresu) ; la formation qui avait publié l’album Just Jazz en 2008 (Mauro Negri, Géraldine Laurent et le fidèle parmi les fidèles Henri Texier), qui est aussi le prétexte à une évocation du trio Romano-Sclavis-Texier (« Annobon ») ; Enrico Rava « le frère d’âme » est de la fête, en compagnie de Baptiste Trotignon et Daryll Hall ; sans oublier un duo avec le claviériste néerlandais Jasper Van’t Hof , rencontré à l’époque d’une collaboration avec Jean-Luc Ponty.

Rien de nouveau, on l’aura compris, pour ce qui concerne la matière première de cet album live, mais une double certitude qui fait de cette « renaissance » un disque auquel on s’attache. D’abord, comme toujours chez lui, en raison de la persistance mélodique qui caractérise la plupart des compositions d’Aldo Romano : comment ne pas être sensible en effet au chant profond, presque recueilli, qui anime des thèmes tels que « Annobon », « Pétionville » ou « Dreams and Waters » par exemple ? Autant de « chansons » connues de longue date, célébrées ici avec beaucoup de sensibilité, voire de retenue. Aldo Romano n’est pas un « frappeur », on connaît bien le caractère souvent suggestif de son jeu. Il trouve là un nouvel exutoire à son désir de mélodies, qui sont cette fois bien en couleurs. La seconde raison tient à la fidélité dont fait preuve une fois encore le Transalpin, et qui transparaît derrière chaque note jouée, dans une succession de climats variés, du swing le plus classique à des échappées aux nuances presque mystérieuses (« Il Piacere »). Plus encore, tout semble chez lui passer, comme une nécessité, par l’admiration sincère qu’il témoigne à chacun de ses partenaires.

Nous sommes par conséquent invités à écouter et partager ces belles évocations en jazz, nourries de tendresse et d’amitié. Reborn est l’occasion de tourner les pages d’un grand livre au charme un peu rêveur, il est le nouveau chapitre d’une belle et longue histoire d’amour. Qui finira bien, c’est certain.